By: Papyrus87 | December 17, 2017
Renversements herméneutiques
Paul, Moïse et Ésaïe
17/12/2017
L’interprétation qu’on aura de la Bible en général, et de passages particuliers, sera la fille de la conception qu’on aura de la nature de l’Écriture.
Même parmi les croyants dont l’affirmation centrale de la foi est que la Bible est la Parole de Dieu, cela ne cesse pas d’être vrai.
Plus on aura une notion statique de l’Écriture – un texte clos, figé, dont le sens est terminé – plus on aura facilement l’illusion de pouvoir aisément la cerner une fois les quelques bonnes règles herméneutiques de base respectées.
Plus on aura une notion aplatie des Écritures – un texte de référence, un dictionnaire de la foi, un manuel, une Constitution, un livre unique de plusieurs chapitres du même auteur, un objet littéraire monolithique – plus on aura l’autre illusion de pouvoir tout dénouer de son désordre apparent en lui redonnant une cohérence systématique qui convienne à l’esprit moderne.
Plus on aura une notion canonique de la Bible – un ensemble de renseignements sur le juste croire – plus on y trouvera la confirmation à chaque page de ses propres catéchismes.
Plus on aura une notion des textes comme d’un amoncellement de mots – une littérature étrange, et étrangère – qu’on pourra décortiquer un à un et charger de sens à outrance, ou enfiler dans des chaînes sans fin de versets où ils se retrouvent, plus on fera de ces textes des constructions inhumaines.
Plus… Plus… etc.
On pourra objecter qu’une lecture inductive, honnête et objective devrait prémunir contre ces divers biais.
Voire !
Souvent laissée de côté ou à peine aperçue, mais devant sans nul doute contribuer à façonner notre compréhension de la nature de la Bible (en un mot : répondre à la question "Qu’est-ce que la Bible ?"), l’exégèse interne à la Bible elle-même donne à penser.
Il y a dans la Bible de l’interprétation de la Bible !
Il est difficile de nier qu’on trouve dans la Bible elle-même des relectures, des réécritures, des interprétations de textes plus anciens par des textes plus récents.
Certaines de ces réinterprétations peuvent même avoir l’ampleur de livres entiers, tels les Chroniques.
D’autres de moindre envergure sont plus discrètes.
D’autres encore déroutent le lecteur attentif. Parmi ces dernières, le cas de la ré-exégèse de Genèse 21 par Paul en Galates 4 – où Paul se livre à un véritable retournement herméneutique – est frappant.
Il est d’ailleurs fort étonnant qu’on ne s’en étonne pas davantage. Cela est sans doute dû à ce que nous sommes de toute façon parfaitement d’accord avec la conclusion de l’exégèse de Paul – et ce, d’autant plus à deux mille ans de distance – mais sa méthode de lecture pour y aboutir en fin de compte nous indiffère ou nous semble secondaire.
Pourtant on ne pourrait que froncer les sourcils de malaise si un prédicateur ou un bibliste s’aventurait à l’imiter. Où s’arrêterait son imagination spirituelle ?
L’analyse que fait R. Hays de ce cas significatif d’exégèse interne – en l’occurrence d’un "testament" à l’autre – est intéressante. Je la résume ici.
(elle est aussi intégrée dans la Bibliographie commentée de l’article de ce site consacré à Galates 4:21-5:1, ici).
Elle fait ressortir dans les grandes lignes les principaux points que j’avais moi-même dégagés dans cette réflexion personnelle faite avant de la lire.
Je suis donc rassuré de n’être pas isolé dans cette lecture de la lecture de Paul de cet antique récit de la Genèse...
Category: biblique
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