Blog P87Blog P87http://papyrus87.zohosites.com/blogs/Tue, 21 Jan 2020 08:33:22 -0800http://zoho.com/sites/<![CDATA["Analogie verbale"]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/Analogie-verbale/

"Analogie verbale"

11/09/2019


Note herméneutique en passant: une voie plus exigeante

La reconnaissance d’exégèses traditionnelles typiquement rabbiniques dans le NT, adossées à une herméneutique générale et intuitive baignée dans les pratiques d’interprétation juive du Second Temple, est de plus en plus admise aujourd’hui, même si – surtout dans l’univers évangélique – c’est du bout des lèvres.

On ne peut qu’y gagner en clairvoyance à reconnaître à ces textes (qui pour beaucoup – dont je suis – fondent la vie, la foi, et l’existence même) leur antiquité et la facture humaine qui les tissent.

Comment ils peuvent être à la fois inspirés et ainsi marqués d’humanité est précisément le cœur d’une réflexion sur la nature des Écritures, si toutefois l’on est disponible pour une telle réflexion, sans l’évacuer mécaniquement par un dogme tout fait.

Ceci dit, il faut ajouter immédiatement qu’il ne va pas de soi – loin de là – qu’on ait par conséquent la liberté de faire d’office la même chose!

Que ce soit sur les textes de l’AT où le NT pratique manifestement cette herméneutique, ou sur le NT lui-même, quand il en est lui-même le fruit.

L’exégèse par "analogie verbale" (gezerah shavah*) court trop le risque de transformer la Bible en un immense hypertexte cliquable à volonté, produisant des lectures tournant sans cesse sur elles-mêmes, et à vrai dire dispensant de tout véritable effort de lecture, pour que ce soit un "outil" d’interprétation de mise.

Ne faudrait-il pas plutôt ouvrir une autre piste, celle d’une réflexion sur l’herméneutique de ces textes – une herméneutique de leur herméneutique, si l’on peut dire, à savoir une réflexion sur la manière de lire et de comprendre leur manière de lire et de comprendre – qui aboutisse à autre chose qu’une simple imitation qu’on dira (rapidement et à bon marché selon moi) "biblique".

Une voie un peu plus exigeante, donc.

En tout cas, si l’on se livrait tout de même un peu à ce type d’interprétation, ce ne devrait pas être – toujours selon moi – par réflexe non pensé, mais à bon escient, et avec (grande) modération...



* I. Howard MARSHALL voit un exemple de gezerah shavah dans l'usage de "à ma droite" en Actes 2.

Cf. le Commentary on the New Testament Use of the Old Testament, Baker - Apollos, 2007, p.542.


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Wed, 11 Sep 2019 22:40:36 +0200
<![CDATA[L'Écriture, rien que l'Écriture!]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/L-Ecriture-rien-que-l-Ecriture/

L'Écriture, rien que l'Écriture!

16/07/2019


Si vous lisez le texte ci-dessous (dont j'ai tronqué le début):

[Nous tenons]... "pour sacrés et canoniques tous les livres tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, avec toutes leurs parties, puisque, rédigés sous l’inspiration de l’Esprit Saint (cf. Jn 20, 31 ; 2 Tm 3, 16 ; 2 P 1, 19-21 ; 3, 15-16), ils ont Dieu pour auteur et qu’ils ont été transmis comme tels à l’Église elle-même. Pour composer ces livres sacrés, Dieu a choisi des hommes auxquels il a eu recours dans le plein usage de leurs facultés et de leurs moyens, pour que, lui-même agissant en eux et par eux [19], ils missent par écrit, en vrais auteurs, tout ce qui était conforme à son désir, et cela seulement.

Dès lors, puisque toutes les assertions des auteurs inspirés ou hagiographes doivent être tenues pour assertions de l’Esprit Saint, il faut déclarer que les livres de l’Écriture enseignent fermement, fidèlement et sans erreur la vérité que Dieu a voulu voir consignée dans les Lettres sacrées pour notre salut. C’est pourquoi « toute Écriture inspirée de Dieu est utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice, afin que l’homme de Dieu se trouve accompli, équipé pour toute œuvre bonne » (2 Tm 3, 16-17 grec).


Si donc vous avez lu ce texte, dis-je, vous aurez pensé que c'est là un copier-coller de quelque confession de foi, déclaration de doctrine, ou texte fondamental d'une église évangélique, peut-être un peu fondamentaliste, sans doute intransigeante sur la question du fondement de l'Écriture, et "rien que l'Écriture."

Il n'en est rien!
La partie manquante est:

"Notre sainte Mère l’Église, de par la foi apostolique, tient pour sacrés etc."

Et le texte est celui de Dei verbum !

(Paul VI, Dei verbum III, 11, 1965)

Donc, il n'y a pas de différence.
C'est qu'elle est ailleurs...

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Tue, 16 Jul 2019 11:13:33 +0200
<![CDATA[Portraits alternatifs]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/Portraits-alternatifs/

Portraits alternatifs

04/05/2019


Certains personnages bibliques sont enfermés dans des clichés de lecture ou des interprétations figées qui barrent la route du lecteur.

Des lectures jouées d’avance l’empêchent dès lors d’éventuellement remarquer des indices, parfois discrets, parfois manifestes, qui lui donneraient une chance de découvrir ces personnages sous un autre angle, avec un autre œil.

Certes, des lectures concurrentes n’ont pas forcément le même poids, mais il est sans doute préférable, lorsque c’est le cas, de les maintenir en tension et en suspens, quitte à renoncer à choisir, plutôt que de répéter une option de lecture juste parce qu’on nous l’a répétée.

Et lorsque même des commentaires reconnus sont divisés, le lecteur ne peut faire l’économie d’un effort de lecture qui aille plus loin que la simple répétition.

En général, lorsque ces personnages sont ainsi prisonniers d’un portrait fait d’avance, il s’agit d’un portrait négatif.

Plus rarement l’inverse.

Souvent, l'interprétation peut basculer d'un côté vers l'autre à cause d'un détail ambigu, ou d'un silence du texte.

Pourquoi, dans ce cas-là, ne pas préférer la lecture qui joue en faveur de tel personnage plutôt qu'en sa défaveur?

En quelque sorte, une manière de racheter ces vieux amis des mains de leurs interprètes...


Au programme de la rubrique "Portraits alternatifs" sur ce site: Zachée, la femme samaritaine, la femme de Job, Thomas, Marie de Magdala, Pierre, Jacob, et d’autres.

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Sat, 04 May 2019 22:18:34 +0200
<![CDATA[Des chiffres et des lettres]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/Des-chiffres-et-des-lettres/

Des chiffres et des lettres (Esdras 2 et Néhémie 7)

11/03/2019


Il est notoire que la transmission des nombres dans la Bible est souvent problématique.

Exemple par excellence, celui des deux listes des captifs revenus de l’exil: Esdras 2 et Néhémie 7.

Chacun en tirera les conclusions qu’il pourra.

Mais il est sans doute inopportun pour ce genre de textes d’invoquer sur le plan du pur principe l’infaillibilité absolue de l’Écriture et sa perfection.

On peut craindre qu’à force de tenir cette infaillibilité parfaite jusque dans les nombres, on ait à perdre et ladite infaillibilité et l’Écriture elle-même (ou du moins l’idée qu’on s’en fait, ce qui n’est pas une perte, pour finir).

L’ultime recours serait celui de la projection mentale de cette infaillibilité idéale dans des autographes "idéels".

Mais ces autographes-là sont dans le ciel…


Pour les détails de ces textes, voir ICI sur ce site.


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Mon, 11 Mar 2019 17:12:17 +0100
<![CDATA[Savants doubles]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/savants-doubles/

Savants doubles

09/02/2019


Je me lamentais il y a peu sur ma naïveté malmenée, lorsque je découvris après tout le monde les sympathies de G. Kittel pour le nazisme de sa nation en détresse.

Voilà que ma naïveté tenace vient de prendre encore un sérieux coup en apprenant l'antisémitisme affiché de J. Strugnell.


Le premier est un nom de la lexicographie du grec biblique.

Le second, un éminent éditeur des manuscrits de la Mer Morte.


Pour le premier, voir mon billet Lexicographie et nazisme du 9 janvier 2019.

Pour le second, voir mon billet Qumrân: Les manuscrits de la discorde du 31 janvier.


Ce billet-ci est pour penser à haute voix sur ces deux vieilles affaires, dont plus personne ne parle, mais qui donnent à penser pour aujourd'hui, tout de même.

Voilà deux esprits brillants, dont chaque journée était vouée à la Bible, au judaïsme ancien, aux textes bibliques et non bibliques, aux manuscrits, et à l'actualité des vestiges.

Des hommes de savoir, de recul, de distanciation, de critique.

Des universitaires, rémunérés pour penser, pour peser, pour mettre en perspective les temps et les lieux.

Pour discerner les concordances, les dissonances, les retours et les pièges de l'histoire.

Des hommes de mots et de paroles, des hommes du texte, de textes anciens, à la recherche des sens enfouis, des racines, des fondements, des récurrences.

Familiers de la parole et de l'enseignement, exercés en principe à déjouer les passions ambiguës par la vertu du verbe.

Des hommes de l'interprétation.

Des hommes de foi, chrétiens même.


Et des hommes qui se rejoignent étrangement dans le même ressentiment atavique contre les Juifs, plus ou moins dissimulé, plus ou moins apparent, mais bien là, juste là.


Certes, on ne s'agenouille pas devant les diplômes, les titres, et les seigneurs du savoir.

Certes, ni la lexicographie grecque, ni la paléographie hébraïque ne sont censées immuniser par elles-mêmes contre l'hydre antique.

On reste juste pensif – quant à soi – devant la duplicité, la double identité d'un vieux mal ordinaire.


FG


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Sat, 09 Feb 2019 17:53:40 +0100
<![CDATA[Qumrân : les manuscrits de la discorde]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/Qumran-les-manuscrits-de-la-discorde/

Qumrân: Les manuscrits de la discorde

31/01//2019


M’intéressant ces temps-ci de plus près aux fameux manuscrits de la Mer Morte, mes premières lectures "sérieuses" me font entrer sur les vestiges de champs de batailles sans merci qui ont dû se livrer entre fouilleurs.


La tonalité ironique par endroits, guerrière parfois, laisse deviner des enjeux pas vraiment et uniquement académiques.

Exemples:


- dans le chapitre "Le contexte historique des manuscrits" de F. M. Cross (dans H. Shanks, L’Aventure des manuscrits de la mer Morte, Paris, Seuil, 1996), je lis p.55:


Il est vrai que le bruit et la fureur [!] des premières controverses ne se sont pas entièrement dissipés. De temps à autre s’élève le cri d’agonie d’un savant se débattant sous une théorie effondrée. Et nul doute que, dans la presse à sensation, la « bataille des manuscrits » ne continue quelque temps encore à être perpétuée par des mercenaires.


- et p. 56:

En théorie, il n’existait pas, à mon avis, forcément de lien entre les communautés des deuxième et troisième phases1.

1. Comme le prétend, par exemple, G. R. Driver dans son étude arbitraire et fantaisiste, The Judaean Scrolls, Oxford, Blackwell, 1965.


- et p. 214, dans un autre chapitre du même auteur, à propos du canon:

Nous ne pouvons reculer la date de la fixation du canon pharisien à une époque antérieure à celle de Hillel, comme a tenté de le faire un savant d’occasion.



- dans E. Puech, "Khirbet Qumrân et les esséniens", Revue de Qumrân 94 (2011), 63-102, je lis pp. 72-73:


À part quelques rares voix discordantes, tels G.R. Driver (46), K.H. Rengstorf (47), et N. Golb, le consensus assez général de cette première génération semblait s’imposer, et même s’affermir avec la publication progressive des textes, sans qu’il soit pour autant devenu un « dogme » comme il a pu être écrit (49)…


(49) Voir A. Paul, Qumrân et les Esséniens. L’éclatement d’un dogme, (Paris :

Le Cerf, 2008) : titre d’autant plus provocateur que de 'dogme' il n’y a jamais eu, et

qu’en définitive l’éclatement préconisé est un leurre, comme il sera montré ci-dessous.

Ce livre n’est pas exempt de nombreuses inexactitudes et d’approximations pour qui

est familier des lieux et des manuscrits, mais on retient l’abandon préconisé du mot

secte’, abandon que nous pratiquons aussi depuis longtemps. Malgré des propositions

aussi diverses que farfelues de la part des éditeurs aussi bien que des archéologues

pour contrer l’hypothèse dite consensuelle et toujours majoritaire, l’hypothèse esséni-

enne est encore celle qui s’impose.



- et à propos des érudits chargés au départ d’éditer les manuscrits et qui faisaient traîner la chose en longueur, je lis dans "Les manuscrits de la Mer Morte" d’Aimé Fuchs (2000), p. 5:


Pour le Jésuite J. A. FITZMYER [4], la cause première de ces retards est

à chercher dans le désir des auteurs d’accompagner chaque texte de com-

mentaires sans fin, alors qu’on attendait d’eux une simple translittération

en caractères hébraïques modernes, une ébauche de traduction et quelques

notes sur les difficultés de lecture. Le désir d’avoir le dernier mot, le souci

de chacun de protéger son pré ont conduit finalement à un retard scan-

daleux.


- et toujours p. 5:

Après cette guerre, le Musée Archéologique de Palestine, redevenu le

Musée Rockefeller, passa sous contrôle israélien. Son directeur, le Père de

VAUX, une forte personnalité qui ne faisait pas mystère de ses sentiments

anti-israéliens, fut néanmoins maintenu dans ses fonctions jusqu’à son

décès en 1971.

Il fut remplacé comme rédacteur en chef par son adjoint, le Père

P. BENOIT, un autre dominicain de l’École Biblique, qui décéda en 1987.

Le Britannique J. STRUGNELL lui succéda à ce poste, mais celui-ci fut

obligé de quitter ses fonctions à la suite de propos violemment antijuifs

qu’il avait tenus à la presse (Ha-aretz, 9 novembre 1990).


J’ai retrouvé ces propos exécrables en question dans**:

Malka, Salomon, Jésus rendu aux siens: Enquête en Terre sainte sur une énigme de vingt siècles, Paris, Albin Michel, 2012, pp. 21-22:


À la fin de l'année 1990, Emmanuel Tov, professeur à l'université hébraïque de

Jérusalem, est nommé coéditeur en chef, aux côtés de John Strugnell.

Mais l'équipe internationale n'est pas au bout de ses tourments. Quelques mois

plus tard, paraît dans le quotidien Haaretz une interview violemment antisémite de

John Strugnell. Il y déclare entre autres : « Le judaïsme est d'origine raciste. Un

antijudaïste, voilà ce que je suis. Vous voyez, je plaide coupable. Je plaide coupable

de la manière dont l'Église a constamment plaidé coupable, parce que nous ne

sommes pas coupables, nous avons raison. Le christianisme se présente comme une

religion qui vient remplacer la religion juive. La juste réponse des Juifs au

christianisme est de devenir chrétiens. Des atrocités ont été commises dans le passé,

j'en conviens — l'Inquisition, des choses de ce genre. Nous devrions certainement

nous conduire en chrétiens. Mais le jugement fondamental à porter sur la religion

juive est, selon moi, négatif. » « En quoi le judaïsme vous ennuie-t-il ? » demande le

journaliste Avi Katzmann. Strugnell répond : « C'est la survivance du groupe, des

Juifs, de la religion juive. Cette religion est horrible. C'est une hérésie pour le

christianisme et nous recourons à différents moyens pour traiter nos hérétiques. Vous

constituez un phénomène que nous n'avons pas réussi à convertir. Or nous aurions dû

réussir, Je crois que la bonne réponse pour l'islam, le bouddhisme et toutes les autres

religions, est la conversion au christianisme, Le judaïsme me dérange en un sens

différent, parce que les autres sont devenus chrétiens quand nous avons œuvré

énergiquement à cette conversion, tandis que les Juifs se sont cantonnés dans une

position antichrétienne. »

L'interview paraîtra dans la Biblical Archaeological Review. Strugnell est révoqué

de ses fonctions, officiellement « pour raisons de santé ». Emmanuel Tov, resté seul

éditeur en chef, annonce le 27 octobre 1991 que tout chercheur qualifié aura

désormais libre accès aux documents.


[** jusqu'à ce je me rende compte que je l'avais in extenso dans mon exemplaire de H. Shanks, L’Aventure des manuscrits de la mer Morte, pp. 334-338, dans la dernière partie "Manuscrits et controverses" (le cas Strugnell, le silence et l'antisémitisme autour des manuscrits, la thèse conspirationniste)]

Voir l'article de la BAR ici.


Heureusement que nous arrivons après les batailles…

FG


PS

Pour l’affaire récente des faux manuscrits, voir le billet de M. Langlois ICI.

Et mon billet:

Le temps, c'est de l'argent ! (faux Qumran)

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Thu, 31 Jan 2019 12:04:49 +0100
<![CDATA[Mariage : Luther vs. Jérôme]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/Mariage-Luther-vs-Jerome/

Mariage: Luther vs. Jérôme

12/01/2019


Au hasard des rencontres, j’ai surpris une conversation animée entre Luther et Jérôme à propos du mariage.

Je l’ai enregistrée à leur insu.

Ci-dessous la transcription.

Telle quelle, sans commentaire.

Ils sont au courant que ce sera publié.


LUTHER

En tant qu'œuvre de Dieu, le mariage doit être reçu et vécu dans la foi. En effet, il y a des choses dans le mariage que seule la foi perçoit dans leurs dimensions véritables. Ainsi il est contraire à la raison de penser que le Créateur s'occupe de la vie sexuelle et de l'accouchement. La raison se moque de l'homme qui s'occupe du nourrisson. Au contraire,


"Dieu rit avec tous les anges et toutes le créatures, non pas de ce qu'il lave les couches, mais de ce qu'il le fait dans la foi."

"La foi ouvre les yeux, considère en esprit toutes ces œuvres humbles, déplaisantes, méprisées et s'avise que la faveur divine les orne comme d'une parure faite d'or et de diamants précieux."

Lienhard, M., Martin Luther : un temps, une vie, un message, 3e éd. mise à jour et corr., Genève, Labor et Fides, 1991, p. 229.

Extrait lisible sur Google Livres.


JERÔME

"Je n'énumérerai pas les tracas du mariage: le sein se gonfle, l'enfant vagit, la domesticité agace, le souci du ménage importune; puis tous ces bonheurs qu'on a imaginés, la mort enfin les fauche."


"Je loue les noces, je loue le mariage, mais parce qu'ils m'engendrent des vierges."


"Sache que la virginité, c'est l'état de nature, le mariage n'est venu qu'après le péché."

Jérôme

Comme cité dans:

Lefebvre, Philippe, Propos intempestifs de la Bible sur la famille, Paris, Cerf, 2016, p. 54, 55, 56.

Textes tirés de:

Lettre XXII : À Eustochium

http://www.patristique.org/Jerome-lettre-XXII-a-Eustochium.html



"Les graves incommodités du mariage, les nombreux soucis dont il est entravé, je les ai décrits, me semble-t-il, sommairement dans le livre que je viens de faire paraître contre Helvidius sur la perpétuelle virginité de la bienheureuse Marie. Il serait trop long de me répéter ici ; on pourra, si l’on veut, puiser à cette modeste source.

Je dirai seulement ceci, pour éviter l’apparence d’une omission totale : l’Apôtre nous ordonne de prier sans cesse, d’autre part celui qui accomplit le devoir conjugal ne peut pas prier pendant ce temps ; dès lors, ou nous prions toujours, mais nous restons vierges, ou nous cessons de prier pour obéir aux lois du mariage.

« Que si, dit-il, une vierge se marie, elle ne pèche pas ; mais les gens mariés éprouveront la tribulation de la chair. » (1 Corinthiens 7, 28)

Dans la préface de ce petit livre, j’ai prévenu le lecteur que je parlerais très peu ou même pas du tout des souffrances du mariage ; je renouvelle ici cet avis.

Mais si tu veux savoir de combien de tracas la vierge est libérée, tandis que l’épouse y est astreinte, lis le livre de Tertullien à un ami philosophe et ses autres traités sur la virginité, ou encore le remarquable volume du bienheureux Cyprien, les compositions en vers et en prose du pape Damase sur ce sujet et les récents opuscules de notre Ambroise dédiés à sa sœur. Il s’y épanche en une langue magnifique ; cet éloge de la virginité est parfait : invention, disposition, expression."

Jérôme : lettre XXII, à Eustochium

paragr. 22

http://www.patristique.org/Jerome-lettre-XXII-a-Eustochium.html


"Vous avez appris dans le mariage même ce que le mariage a d'ennuis; vous vous êtes rassasiée de cailles jusqu'à en avoir du dégoût; votre bouche a senti l'amertume de la bile: voudriez-vous manger encore de ce qui vous a rendu malade, et retourner comme un chien à votre vomissement?"

Lettre à Ageruchia // Conseils sur la Viduité

http://jesusmarie.free.fr/jerome_conseil_sur_la_viduite_le_fait_de_rester_veuve.html


Je me contente aujourd'hui de vous rappeler ces paroles de l'apôtre saint Paul : « Êtes-vous lié avec une femme, ne cherchez point à vous délier; êtes-vous libre, ne cherchez point de femme.»

C'est-à-dire, ne vous engagez point dans un état qui vous prive de votre liberté ; ce qui fait voir que les engagements du mariage sont de véritables liens.

Or être lié, c'est être esclave; être délié, c'est être libre.

Lettre à Exuperantius

http://remacle.org/bloodwolf/eglise/jerome/lettres1.htm

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Sat, 12 Jan 2019 17:59:20 +0100
<![CDATA[Lexicographie et nazisme]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/Lexicographie-et-nazisme/

Lexicographie et nazisme

09/01/2019


J’ai sur mes étagères un ouvrage nazi…

Je veux dire l’ouvrage d’un nazi.

Qu'on se rassure: ce n’est pas Mein Kampf.


Je viens de découvrir – et je pleure ma sainte ignorance perdue – que Gerhard Kittel était un sympathisant actif du nazisme.

Tout étudiant de grec biblique ne tarde pas à le croiser sur son chemin.

Son nom est devenu celui même de son dictionnaire, comme on dit le Gaffiot ou le Bailly.


Le Kittel est un monument que l’amateur désargenté loin des grandes bibliothèques a au moins une fois rêvé de feuilleter.

La dernière mouture de son monumental dictionnaire théologique du Nouveau Testament en anglais (10 volumes, plus de 9000 pages) est:

Kittel, Gerhard, et Gerhard Friedrich, Theological Dictionary of the New Testament, Grand Rapids, William B Eerdmans Publishing, 2014.

https://www.amazon.fr/Theological-Dictionary-Testament-Gerhard-Kittel/dp/0802871380/

https://www.eerdmans.com/Products/CategoryCenter.aspx?CategoryId=SE!TDNT

L’original allemand est le Theologisches Wörterbuch zum Neuen Testament.

(dernière édition: 1990?)


Je n’ai ni la place, ni l’argent pour héberger ces 10 volumes.

Mais il en existe une édition abrégée, en 1 volume:


Kittel, Gerhard, Gerhard Friedrich et Geoffrey W. Bromiley (dir.), Theological Dictionary of the New Testament: Abridged in One Volume, Grand Rapids, Mich, Eerdmans, 1985.

https://www.amazon.com/Theological-Dictionary-New-Testament-Abridged/dp/0802824048


Celle-là, je l’ai.


La démarche linguistique du Kittel a été sévèrement critiquée par James Barr en 1961 dans son ouvrage classique The Semantics of Biblical Language (éd. fr. Sémantique du langage biblique, 1971), pour entre autre sa démarche centrée sur les mots, les racines et les étymologies, et pour le danger de "transfert illégitime de totalité" ("Illegitimate totality transfer", soit le fait de surcharger l’occurrence d’un mot de toutes les significations qu’il peut avoir ailleurs), et aussi plus fondamentalement sur la pertinence même d’un "dictionnaire théologique".


L’étudiant ou le lecteur avisés peuvent tirer profit d’un tel ouvrage (complet ou abrégé) tout en gardant à l’esprit les réserves méthodologiques signalées plus haut.

Mais il y a une autre réserve que je ne m’attendais pas à devoir aussi garder en suspens dans l’esprit.

En effet, j’étais tranquille, jusqu’à ce que je lise:


Les individus qui ont fourni au nazisme sa caution intellectuelle faisaient partie des penseurs allemands les plus exceptionnels, du bibliste Gerhard Kittel au philosophe Martin Heidegger en passant par le juriste Carl Schmitt.


Sacks, Jonathan, Dieu n’a jamais voulu ça: La violence religieuse décryptée, Albin Michel, 2018, p. 80.


Je connaissais déjà, en ce qui concerne Heidegger, les efforts des philosophes pour séparer les deux hommes qu’il y avait en lui.

Voilà donc que je vais devoir aussi faire le même exercice pour Kittel!

D’abord stupéfait, j’ai dû me résoudre à cette idée après un peu de recherches.

Voir (à charge comme à décharge):


Wikipedia (en anglais)

https://en.wikipedia.org/wiki/Gerhard_Kittel

https://web.archive.org/web/20110716213136/http://textus-receptus.com/wiki/Gerhard_Kittel

(si cette source est fiable, G. Kittel – à ne pas confondre avec son père Rudolf Kittel, qui édita la Biblia Hebraica (Kittel), BHK – aurait écrit les 10 premiers volumes pendant qu’il était Ministre de la Propagande d’Hitler, et les 3 derniers pendant qu’il était en prison pour crimes de guerre)


Ericksen, Robert P., Theologians Under Hitler, New Haven; London, Yale University Press, 1985.

https://yalebooks.yale.edu/book/9780300038897/theologians-under-hitler


Ericksen, Robert P., Complicity in the Holocaust: Churches and Universities in Nazi Germany, Cambridge, Cambridge University Press, 2012.

https://www.cambridge.org/us/academic/subjects/history/twentieth-century-european-history/complicity-holocaust-churches-and-universities-nazi-germany


La compromission d’esprits brillants – universitaires, scientifiques, artistes, théologiens – avec l’idéologie nazie, pour finir par tomber encore une fois du mauvais côté de l'Histoire, est un mystère incompréhensible.

Elle l’est plus encore s’ils sont chrétiens!

Et que dire s'ils sont biblistes et fréquentent l'Écriture chaque jour?

Elle ruine toute anthropologie optimiste, et déstabilise toute théologie trop sûre d’elle.

Que la Shoah et Auschwitz soient quasiment des non-sujets, notamment dans le monde évangélique, est l’indice non d’une carence dans la réflexion, mais plutôt celui d’un refus inconscient de penser jusqu’à son terme la fragilité de l’esprit humain et les mécanismes qui le subvertissent et l’égarent dans un mortel dualisme pathologique du Nous et du Eux.

Que le christianisme ne soit pas parvenu à subvertir cette subversion, mais s’en soit même rendu complice, devrait inquiéter tout catéchisme tranquille, et conduire le croyant dans une modestie définitive.


Mais je vais tout de même garder mon dictionnaire...

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Wed, 09 Jan 2019 23:54:14 +0100
<![CDATA[Circoncision de Jésus]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/Circoncision-de-Jesus/

Circoncision de Jésus (Luc 2:21)

Le huitième jour... (Luc 2:21)

05/01/2019


Un récent billet de blog de L. Hurtado (voir ci-dessous) m’a porté à penser que les préjugés, les révisionnismes, les clichés, et les falsifications théologiques se nichent dans l’évidence insignifiante des détails.

Et les automatismes de la pensée se trahissent parfois dans des détails en passant.


Depuis environ le VIe siècle, le 1er janvier était dans l’Église d’occident la fête de la Circoncision de Jésus (huit jours après la date conventionnelle de sa naissance).

Fête transformée d’ailleurs en solennité mariale par Paul VI en 1974.


Dans l’iconographie chrétienne médiévale, l’enfant Jésus, âgé de bien plus que huit jours, est souvent représenté nu et incirconcis.

On doit voir là la réticence à reconnaître la judéité de Jésus, que certains christianismes n’ont le plus souvent admis que du bout des lèvres, quand ce n'est pas un non-sujet.

Les mauvais traitements réservés aux Juifs dans l’histoire de l’Église sont encore une autre face de ce malentendu séculaire.

Plus généralement, c’est peut-être aussi l’indice d’un certain malaise de l’Incarnation.


Liens à consulter:

Le billet de Larry Hurtado

https://larryhurtado.wordpress.com/2019/01/04/circumcision-of-jesus/


La Circoncision de Jésus (Rubens)

https://www.wikiart.org/fr/pierre-paul-rubens/la-circoncision-de-jesus-1605


Article "Circoncision de Jésus" de Wikipedia

https://fr.wikipedia.org/wiki/Circoncision_de_J%C3%A9sus


Art & Church History: The Uncut Version

https://artandlifenotes.wordpress.com/2013/06/22/art-church-history-the-uncut-version/


Artistic Depictions of Intact Baby Jesus

http://www.thewholenetwork.org/twn-news/artistic-depictions-of-intact-baby-jesus


The Cut That Divided Jews and Christians — and the Mystery of the Missing Circumcision in Artworks

https://www.huffingtonpost.com/bernard-starr/missing-circumcision-in-artworks_b_4843564.html


"EXHORTATION APOSTOLIQUE MARIALIS CULTUS DE SA SAINTETÉ LE PAPE PAUL VI SUR LE CULTE DE LA VIERGE MARIE" (voir au paragraphe 5)

http://w2.vatican.va/content/paul-vi/fr/apost_exhortations/documents/hf_p-vi_exh_19740202_marialis-cultus.html


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Sat, 05 Jan 2019 22:10:08 +0100
<![CDATA[Doubles décalogues]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/Doubles-decalogues/

Doubles décalogues

04/01/2019


Il est classique de faire remarquer qu’il y a deux décalogues: celui d’Exode 20 et sa répétition / réécriture / re-présentation de Deutéronome 5.

Et de pointer les différences – mineures comme majeures - entre les deux versions.

Il est plus rare d’entendre l’exposition de la portée, de la signification, et de l’enjeu de cette double-loi, hormis la notation de la différence la plus notable entre les deux textes, à savoir celle de la motivation du repos de sabbat: "Car en six jours Dieu a fait les cieux, la terre, et tout ce qui y est contenu" (Exode) vs. "Tu te souviendras que tu as été esclave en Égypte…" (Deutéronome).


Il est plus rare encore de pointer comment, à travers la médiation de la Septante comme facteur supplémentaire, le caractère multiforme des décalogues s’est encore accentué.

Si ce n’est en substance, du moins sur le plan formel.

Certes, les tables ont été écrites sur des pierres, mais il semble que ce soit des pierres d’argile, argile remodelée par l’usage, notamment à travers le travail de la citation.


Un tel exemple de double décalogue dans sa citation se voit dans l’épisode évangélique dit "du jeune homme riche", tel qu’écrit par Marc (Mc 10) et réécrit par Matthieu (Mt 19).


Voir les détails de texte ICI.

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Fri, 04 Jan 2019 11:07:11 +0100
<![CDATA[Violence et fin des temps]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/Violence-et-fin-des-temps/

Violence et fin des temps

23/11/2018


Je relis pour la seconde fois Chers fanatiques d'Amos Oz (Gallimard, 2018). J'y emprunte.

La racine tout humaine de la violence fanatique – intrinsèque donc à l'être humain lui-même, et non imputable à telle ou telle religion, même si elle se manifeste volontiers dans le domaine religieux – s'y trouve décrite ainsi :

Le fanatisme est bien antérieur à l'islam, au christianisme, au judaïsme et à toutes les autres idéologies universelles. C'est une constante de la nature humaine, un gène « déficient » (p. 15)

Voilà pour la violence dite religieuse et le "fanatisme comparé".


Et pour ce qui est de la violence eschatologique, c'est un mécanisme tout autant humain, il me semble : les Textes sacrés ne lui servent que d'habits de piété.

La griserie d'une rédemption instantanée, l'exaltation d'être avec Dieu au gouvernail du monde, l'excitation du champ de la bataille finale, l'enivrement du sang sacrificiel, la frénésie de la vérité absolue et de la lecture absolue des Textes, sans parler de la fuite hors de la complexité du monde et de l'existence humaine au moyen de réponses simples, en un mot l'exil mortifère vers l'Utopie – voilà la face sombre de l'homme religieux, un abîme d'inhumanité.


J'ajoute qu'il existe des versions plus "soft" de cet étourdissement volontaire, qui s'accommode de la vie ordinaire, agrémentée sans conséquence dramatique – pour la société du moins, pas forcément pour l'âme croyante – de scénarios eschatologiques toujours sur le point de s'accomplir.


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Fri, 23 Nov 2018 19:28:34 +0100
<![CDATA[Silences]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/Silences/

Silences
Ou le feu du murmure
Concordances

19/11/2018


Dieu parle, parfois d’une voix faible, à peine audible au milieu du tumulte de ceux qui prétendent s’exprimer en son nom.

...

Convoqué par un ange sur le mont Horeb, (Élie) voit se manifester un tremblement de terre, un ouragan et un feu dévorant. Mais « Dieu n’était pas » dans le tremblement de terre, dans la bourrasque ou dans le feu ; il vint à Élie « dans une voix de fin silence ».

Jonathan Sacks, Dieu n’a jamais voulu ça, pp. 12 et 306.


Et de fait, le Seigneur se manifesta. Devant lui un vent intense et violent, entr'ouvrant les monts et brisant les rochers, mais dans ce vent n'était point le Seigneur. Après le vent, une forte secousse; le Seigneur n'y était pas encore. 12 Après la secousse, un feu; le Seigneur n'était point dans le feu. Puis, après le feu, un doux et subtil murmure. 13 Aussitôt qu'Élie le perçut, il se couvrit le visage de son manteau…

2 Rois 19 (RABBINAT)


Luc ne nous cache pas non plus ces moments où l’on aborde les Écritures, attirantes et repoussantes ; cette bible si souvent fermée par notre prétendu savoir ; ces livres dont les textes nous paraissent obscurs, sans saveur, inertes comme une lettre morte. Comment y trouverions nous du sens ? Une aide ne serait-elle pas bienvenue ?

...

Oui, être habité du feu de Dieu, ce n'est peut-être pas la manière dont Dieu veut brûler en nous.

...

Voilà que toutes les explications de l'inconnu agissent comme une chaleur bienfaisante ; ça commence à brûler de plus en plus en eux. Comme avec Moïse.

L'espérance reçue braise après braise, commence à prendre le dessus , à vouloir animer leur vie d'une flamme nouvelle. S'ils n'ont pas encore reconnu l'inconnu, ils demandent au porteur du feu de rester avec eux.

...

Le feu qui couvait en eux éclate en mille lumière de reconnaissance et d'espérance. Le feu a pris, l'espérance a vaincu le non-sens et l'abject. La confiance les met debout, elle prend la place des heures sombres, elle les retourne, les remet en route, vers la-ville-de-paix.

Marc Labarthe, pasteur protestant

prédication de juin 2013, sur Luc 24 ("Les pèlerins d'Emmaüs")


Et ils se dirent l'un à l'autre : Notre cœur ne brûlait-il pas en nous, lorsqu'il nous parlait en chemin et nous ouvrait le sens des Écritures ?

Luc 24:32 (NBS)


Il arrive, disait Bachelard, qu'on rate un cours comme on rate un feu. Le bois brésille et grésille un moment dans la cheminée, charbonne, puis s'éteint.

Mais il arrive aussi quelquefois que l'enseignement soit effectif, et que le feu prenne.À quel signe reconnaît-on cette flambée ?

À l'activité muette et absorbée qui suit le fil de l'argumentation, et qui continue en silence son travail secret, bien après que le cours soit terminé, engendrant une foule de nouvelles pensées, et révélant à celui qui entend la rumeur de la ruche intérieure la souveraine puissance de penser qui est en lui.

C'est ainsi qu'il arrive, poursuit et conclut Jacques Darriulat, de mesurer la profondeur du dialogue avec mes étudiants à l'intensité de leur silence.
Chaque fois que nous avons la bonne fortune de provoquer ce trouble fécond, nous pouvons dire que nous n'avons pas perdu notre temps.


Paroles de philosophes

(Jean Birnbaum, Gaston Bachelard, Jacques Darriulat)

Forum Le Monde Le Mans, mars 2018 (France Culture)

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Mon, 19 Nov 2018 21:57:58 +0100
<![CDATA[Donne ! donne !]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/donne-donne/

Donne ! donne ! (Prov. 30:15)
16/11/2018

En zappant l’autre jour sur la multitude de chaînes TV qui sortent de ma box Internet, voilà que je tombe sur une chaîne "chrétienne" dont je ne sais plus le nom, avec des orateurs dont je ne sais plus le nom, parlant pour des mouvements dont je ne sais plus le nom.


J’avais déjà entendu parler auparavant d'appels d’argent insistants, et même j’en avais lu d’extravagants.

(voir la Citation étrange d’ici même, à la date du 30/05/2018, sur des appels aux dons pour des jets privés "pour l’œuvre de Dieu"…)


Mais je n’avais pas encore entendu et vu un merchandising "chrétien" si subtil, où l'on gagne :

- pour un don de 1000 dollars ou plus, une grosse Bible à tranche dorée

- pour un don de 5000 dollars ou plus, un iPad, chargé de plein de ressources bibliques

Je n’ai rien gagné ce jour-là.

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Fri, 16 Nov 2018 19:55:06 +0100
<![CDATA[Mots accablés de sens]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/Mots-accables-de-sens/

Mots accablés de sens (au pluriel)

24/09/2018


Bien que J. Barr ait depuis longtemps porté un coup fatal à ce qu'il appelait l' "illegitimate totality transfer" (charger, dans tel contexte, un mot grec ou hébreu de tous les sens qu'il peut avoir par ailleurs), ce n'est pas pour autant qu'on ne le rencontre plus.

C'est même parfois une occasion, tandis qu'on bâte tel mot d'un amoncellement de sens différents, pour s'émerveiller de la (soi-disant) richesse de l'hébreu ou du grec, où un seul mot peut être le véhicule de tant de significations.

Or, si dans une langue, un mot doit transporter beaucoup de significations différentes, c'est l'indice plus d'une pauvreté que d'une richesse.

Mais on ne peut réduire une langue à des mots.


Mais il y a aussi un transfert de totalité inverse, qui n'est pas moins illégitime et qui peut conduire à des contresens tenaces, à savoir lorsque plusieurs mots grecs ou hébreux de sens différent sont traduits par un unique mot français.

Cette fois, le risque est de charger ce mot français du sens des mots différents qu'il traduit, même dans un contexte où ledit sens est manifestement impossible.


Un tel cas est celui du mot "famille", qui dans la version Segond1910 (et la NEG "Nouvelle Édition de Genève", sa révision légère de 1979), traduit nombre de mots différents.

Il en résulte que des textes qui ont le mot "familles" sont parfois appliqués à la famille, notion absente des textes en question.

Ainsi, le texte de Genèse 12:3 "toutes les familles de la terre seront bénies en toi" (et ses reprises) est convoqué pour dire que Dieu veut bénir nos familles.


Que Dieu veuille bénir nos familles est tout ce qu'on peut espérer de lui. Mais s'il y a un peu de cette vérité dans Genèse 12:3 (et ses reprises), c'est de façon vraiment lointaine.

C'est sans doute mieux exprimé, et plus directement, ailleurs.


Pour une brève revue des textes en question, voir ici (dans une rubrique "Textes renversés", qui a décidément tendance à grossir…).


FG

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Mon, 24 Sep 2018 22:23:56 +0200
<![CDATA[Léa, mendiante d'amour]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/Lea-mendiante-d-amour/

Léa, mendiante d’amour

01/08/2018


Il arrive qu’on ait de l’Écriture une lecture aseptisée.
Qu’on y cherche, même inconsciemment, juste la confirmation de sa propre théologie, voire de ses propres réflexes de pensée.
Or, c’est un recueil de récits que nous avons entre les mains, et non pas une banque de données théologiques, un sac à preuves, un réservoir de versets, ou un annuaire de réponses.
Et parmi ces récits, certains racontent des drames humains qui passeraient presque inaperçus, tellement ils sont concis et chargés.
Ces mêmes récits illustrent, s’il en était besoin, à quel point Dieu s’est "incarné" et a accompli ses propres voies à travers les voies modestes de protagonistes ordinaires, effacés, voire invisibles.
Et aussi en dépit des voies sinueuses d’acteurs ambigus.

Un tel récit, ramassé en 5 versets, est celui de la mise au monde des 4 premiers enfants (tous des fils) de la mal-aimée Léa, cette mère en Israël (Ruth 4:11), qui a agonisé en vain après l’amour de son mari.
Victime des passions mâles que tout le récit alentour nous met à nu, elle semble se réfugier dans un dialogue avec le lecteur, qu’elle prend à témoin de son travail d’âme en même temps que d’enfantements.

En 4 volets, j’en livre ma propre libre lecture, mon midrash personnel si l’on veut, qui – je le vois volontiers – comble (peut-être un peu trop) les silences d’un texte des plus sobres.

Je dois dire que la catalyseur de cette réflexion en passant a été la lecture du petit chapitre sur Ruben de Noyau d’olive d’Erri de Luca.
(je me réfère à l’original italien, Reuvèn, pp. 67-69)
Sans partager entièrement "l’exégèse" d’E. de Luca, j’en apprécie la démarche.
Il s’agit de noyaux d’olives, tirés de ses lectures matinales de la bible hébraïque, que le modeste auteur – hébraïsant autodidacte et incroyant paradoxal – retourne en bouche toute la journée,
En ce qui me concerne, ce fut plusieurs jours...


FG

              Lire ici

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Wed, 01 Aug 2018 08:34:44 +0200
<![CDATA[Textes précieux, mais renversés]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/Textes-precieux-mais-renverses/

Textes précieux, mais renversés

14/07/2018


À la rubrique "Textes renversés" de ce site (sous "LECTURES"), s’ajoute la rubrique "Textes précieux mais renversés".
Elle concerne divers textes bibliques parmi les plus connus et les plus cités, et qui occupent une grande place dans la piété, mais dans un sens qui n’est probablement pas juste en contexte.
Étant donné qu’il s’agit de versets détournés de leur objet dans de nobles motifs, on pourrait hésiter à prétendre "rectifier" la compréhension commune, le sens biaisé sanctionné par l’usage ou une piété installée depuis longtemps.
Mais serait-ce juste ?
N’y a-t-il pas plus à gagner à plus de clairvoyance, et ce, d’autant plus lorsque plusieurs voix concordent pour rétablir un sens plus plausible ?
Le lecteur jugera.
En général, le sens tiré à tort d’un tel texte peut être retrouvé ailleurs dans d’autres textes : mieux vaut dans ce cas s’appuyer sur ces textes-là.

Premier exemple de ce type : Mt 18:20 "là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux."

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Sat, 14 Jul 2018 21:33:02 +0200
<![CDATA[À Travers Textes]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/A-Travers-Textes/

À Travers Textes

27/06/2018


Maintenant en ligne :

À Travers Textes : Proverbes 11:31

Du TM à 1 Pierre 4:18, en passant par la LXX

Citations, intertextualité, foi, théologie, Écritures, interprétation et lecture biblique

Évolution typique d'un texte de sagesse, illustrant particulièrement l'imbrication des processus de lecture, d'interprétation, et d'intertextualité, ainsi que les questions de la nature et de la fonction des Écritures et de leur nouage avec la théologie et la foi.


(reprise de mon mémoire de Licence de Théologie Protestante [2010] - adaptée pour le Web [mai 2018])


Sous une forme académique, c'est en fait, à travers de l'étude d'un cas type, un plaidoyer pour une lecture de l'Écriture qui soit centrée sur l'Évangile.

Une première partie – biblique – analyse l'évolution textuelle et théologique d'un texte de sagesse à travers la médiation de la Septante et le "travail de la citation".

Une seconde partie – pratique – analyse l'économie des deux Testaments, les pièges d'une lecture fermée, accablante ou fragmentée, les risques de l'hyper-textualité, les pièges d'une "maniaque répétition du même", les dérives de lectures pathologiques d'un texte fait Dieu, la nécessité d'une lecture exigeante – tant personnelle que communautaire –, scandalisée et éclairée à la fois par l'Évangile, nouant ensemble foi, théologie et Écritures, au sein de nos déséquilibres et nos tâtonnements quotidiens.


FG

Juin 2018

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Wed, 27 Jun 2018 22:21:48 +0200
<![CDATA[Romains 13 à la Une !]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/Romains-13-a-la-Une/

Romains 13 à la Une !

26/06/2018


Il n’est pas usuel de voir les médias se préoccuper d’interprétation biblique, surtout en nos contrées laïques ou hyper-laïques. S’il y est parfois question d’interprétation de textes sacrés, c’est plutôt en rapport avec le Coran et le travail difficile de penseurs musulmans pour ouvrir de nouvelles voies d’exégèse qui puissent servir d’antidote aux lectures sauvages, doctrinaires et mortifères.


Mais voilà que ces derniers jours ont vu s’y multiplier des leçons d’herméneutique biblique – la chose sans le mot – après que des voix haut-placées du gouvernement américain se sont réclamées de textes bibliques pour appuyer et justifier le durcissement des mesures anti-migratoires aux frontières.

(pour des détails et quelques liens, voir la rubrique Citations étranges du 19/06/2018 sur ce site)


C’est ainsi que – chose impensable en nos contrées – Romains 13 a été invoqué à contre-temps pour justifier la soumission aux autorités et à leurs décisions de régulation violente des flots de migrants, et en guise de réplique définitive aux objections, soulevant l’indignation des croyants comme des non-croyants.

Et ce, non par un prédicateur ou quelque autorité religieuse, mais par l'Attorney General dans l'exercice de ses fonctions !

Au pays de "la Bible dit", un responsable qui a sans doute, comme méthodiste, entendu citer l’Écriture des milliers de fois, a appuyé ses dures décisions en enrôlant la Bible comme caution supérieure.


Si cela nous semble ici assez inouï, ce n’est pas seulement une question de laïcités différentes, même si c’en est sans doute une conséquence.

C’est surtout le symptôme d’un "mal herméneutique" dont personne n’est à l’abri, même de ce côté-ci de l’Océan.


Romains 13 – dont l’auteur a été exécuté par lesdites autorités, d’ailleurs – a décidément connu un malheureux destin, tantôt aux mains des esclavagistes, tantôt en des temps gris comme pendant la montée du nazisme.


La leçon d’herméneutique biblique que donnent ces médias, ou plutôt d’herméneutique négative (soit, ce que la Bible ne peut pas vouloir dire, ou ce qu’on ne devrait pas lui faire dire) – à l'adresse surtout des fiers tenants d'une lecture immédiate, prétendant prendre la Bible "telle quelle" et faisant l'économie de tout travail d'interprétation – ne sort pas directement des facultés de théologie, n’est pas le fait de théologiens à l’argumentaire construit et systématique.

C’est plutôt une herméneutique instinctive, intuitive.

Une herméneutique qui distingue pourtant une frontière subtile qui semble échapper plus facilement à des familiers de l’Écriture : on peut citer un texte parfaitement biblique pour lui faire dire des choses parfaitement fausses, texte à l'appui.


À Romains 13, on a encore ajouté Néhémie, qui a lui aussi construit un mur…

Ce que je m’abstiens même de commenter.


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Mon, 25 Jun 2018 22:04:33 +0200
<![CDATA[L'original ou la copie ?]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/L-original-ou-la-copie/

L’original ou la copie ?

04/06/2018


 Sauf chez les spécialistes et ceux qui ont un peu lu sur le sujet, l’idée de "l’original" du texte biblique vogue un peu dans un flou éthéré, une "idée", justement.

Chez beaucoup, y compris chez les croyants, il n’est pas rare qu’on s’imagine qu’il n’en existe qu’un seul, "quelque part", conservé dans un mystérieux tabernacle ou quelque Sinaï à mi-chemin entre ciel et terre.

Il arrive aussi qu’on ait de l’Écriture une notion "coranique", celle d’une réplique descendue du ciel d’une Table céleste.


    On aura forcément de l’Écriture l’idée qu’on se fait de son inspiration.

En réalité, l’âme humaine rêve d’une Parole divine parfaite, cristalline et immédiate, sur laquelle elle pourrait mettre la main.

Sans aller jusqu’à s’inventer des "plaques d’or" transmises par des êtres célestes, l’imagination populaire s’en fait parfois des représentations voisines.

Si c'est cet original-là qui est l'original, mieux vaut la copie !

Significativement, cette projection au ciel d’une fiction mentale va souvent de pair avec la mise en sourdine de l’Incarnation.


    Pour une plongée dans la matérialité d’un manuscrit concret, et un essai de déchiffrage en regard des éditions modernes du texte grec et de leurs apparats, l’exemple d’une page du Codex W (dit Washingtonianus) du Ve siècle, contenant le texte de Marc 1 : 18 à 28.







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Mon, 04 Jun 2018 21:50:05 +0200
<![CDATA[Synoptiques : quel est le problème ?]]>http://papyrus87.zohosites.com/blogs/post/Synoptiques-quel-est-le-probleme/

Synoptiques : quel est le problème ?

16/02/2018


Je ferais volontiers une distinction entre :

    - la question synoptique : les rapports littéraires

entre Matthieu, Marc, et Luc, sur lequel un océan de littérature a été produite

    - le problème synoptique : les questions – littéraires ou autres – que se pose le lecteur, qu’il lise chaque évangile pour lui-même de manière étanche, ou qu’il s’ingénie à le rapporter aux deux autres au fil de la lecture


Je dirais aussi volontiers que ce ne sont pas les synoptiques qui ont un problème, c’est nous qui avons un "problème".

Je dirais encore que par synoptiques il faudrait entendre les quatre évangiles, Jean compris.

Certes, Jean est un peu à part, et bien particulier.

Mais s’il ne se laisse pas aisément mettre dans une synopse, c’est précisément une bonne raison pour l’y mettre.


Il y a quelque chose de poignant à voir de jeunes croyants ou des nouveaux lecteurs découvrant l’Écriture tourner les pages en tous sens pour tenter de tenir en suspens les trois récits (ou les quatre), ou s’épuiser à tâcher de les réconcilier ou les harmoniser en un seul.

Comme s’il s’agissait d’un vase tombé à terre, qu’on voudrait reconstituer à partir de ses morceaux.


Et, si on veut bien se l’avouer, et sauf si nous nous sommes longuement consacrés au sujet, la majorité des lecteurs ont une sorte de diatessaron mental, un amalgame plus ou moins indistinct dans l’esprit, une espèce de grand récit évangélique unique aux contours flous.

Certes, on peut connaître dans les grandes lignes les traits les plus marquants de chaque évangile, mais en général, cela reste – précisément – général.


Par ailleurs, il est courant, tant dans la prédication que dans la lecture personnelle, de compléter un évangile par un autre. Une autre façon, en réalité, de dire qu’en fin de compte on pense qu’il lui manque quelque chose.


Il y a aussi, surtout en milieu évangélique, une préoccupation apologétique récurrente : prouver que les évangiles ne se contredisent pas. On les autorise à avoir des accents différents, ou des éclairages différents, mais ils ne doivent pas se contredire.

À la première contradiction, en effet, l’Écriture tombe, du moins l’idée qu’on s’en fait.

Or, selon moi, il suffit d’ôter la notion même de contradiction, pour que les "contradictions" tombent.


L’usage d’une synopse est utile, mais non pas tant pour faire apparaître ce qui est semblable, mais au contraire, ce qui est différent, à tous les niveaux de l’organisation des récits et des discours.

Le sens est dans les différences, où résident les clés de lecture.


Lieu par excellence de voix multiples exigeant une lecture attentive, la comparaison des quatre évangiles entre eux – si on s’y livre un temps – n’a pas son objet dans la recomposition d’un original idéal perdu déchiré en quatre lambeaux, mais plutôt dans la recherche et la mise au jour de ce qui fait de chacun d’eux une œuvre en soi, avec son dessein, son génie propre, ses nuances, son cadre de pensée et de référence, et son empreinte particulière.

Cette comparaison-là est un travail absorbant, et s’il existe bien plusieurs synopses, je n’ai pas connaissance d’un commentaire systématiquement synoptique, ayant pour objectif celui décrit ci-dessus.

Sans doute à cause de la complexité de la tâche.


FG

mai 2018


À titre d’exercice, sur une territoire très limité (Mt 15) , ma propre tentative de confrontation de Matthieu avec sa source Marc :

Marc et Matthieu : deux versions, deux visions, deux auditoires, deux messages

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Wed, 16 May 2018 22:16:15 +0200