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By: Papyrus87 | May 16, 2018

Synoptiques : quel est le problème ?

16/02/2018


Je ferais volontiers une distinction entre :

    - la question synoptique : les rapports littéraires

entre Matthieu, Marc, et Luc, sur lequel un océan de littérature a été produite

    - le problème synoptique : les questions – littéraires ou autres – que se pose le lecteur, qu’il lise chaque évangile pour lui-même de manière étanche, ou qu’il s’ingénie à le rapporter aux deux autres au fil de la lecture


Je dirais aussi volontiers que ce ne sont pas les synoptiques qui ont un problème, c’est nous qui avons un "problème".

Je dirais encore que par synoptiques il faudrait entendre les quatre évangiles, Jean compris.

Certes, Jean est un peu à part, et bien particulier.

Mais s’il ne se laisse pas aisément mettre dans une synopse, c’est précisément une bonne raison pour l’y mettre.


Il y a quelque chose de poignant à voir de jeunes croyants ou des nouveaux lecteurs découvrant l’Écriture tourner les pages en tous sens pour tenter de tenir en suspens les trois récits (ou les quatre), ou s’épuiser à tâcher de les réconcilier ou les harmoniser en un seul.

Comme s’il s’agissait d’un vase tombé à terre, qu’on voudrait reconstituer à partir de ses morceaux.


Et, si on veut bien se l’avouer, et sauf si nous nous sommes longuement consacrés au sujet, la majorité des lecteurs ont une sorte de diatessaron mental, un amalgame plus ou moins indistinct dans l’esprit, une espèce de grand récit évangélique unique aux contours flous.

Certes, on peut connaître dans les grandes lignes les traits les plus marquants de chaque évangile, mais en général, cela reste – précisément – général.


Par ailleurs, il est courant, tant dans la prédication que dans la lecture personnelle, de compléter un évangile par un autre. Une autre façon, en réalité, de dire qu’en fin de compte on pense qu’il lui manque quelque chose.


Il y a aussi, surtout en milieu évangélique, une préoccupation apologétique récurrente : prouver que les évangiles ne se contredisent pas. On les autorise à avoir des accents différents, ou des éclairages différents, mais ils ne doivent pas se contredire.

À la première contradiction, en effet, l’Écriture tombe, du moins l’idée qu’on s’en fait.

Or, selon moi, il suffit d’ôter la notion même de contradiction, pour que les "contradictions" tombent.


L’usage d’une synopse est utile, mais non pas tant pour faire apparaître ce qui est semblable, mais au contraire, ce qui est différent, à tous les niveaux de l’organisation des récits et des discours.

Le sens est dans les différences, où résident les clés de lecture.


Lieu par excellence de voix multiples exigeant une lecture attentive, la comparaison des quatre évangiles entre eux – si on s’y livre un temps – n’a pas son objet dans la recomposition d’un original idéal perdu déchiré en quatre lambeaux, mais plutôt dans la recherche et la mise au jour de ce qui fait de chacun d’eux une œuvre en soi, avec son dessein, son génie propre, ses nuances, son cadre de pensée et de référence, et son empreinte particulière.

Cette comparaison-là est un travail absorbant, et s’il existe bien plusieurs synopses, je n’ai pas connaissance d’un commentaire systématiquement synoptique, ayant pour objectif celui décrit ci-dessus.

Sans doute à cause de la complexité de la tâche.


FG

mai 2018


À titre d’exercice, sur une territoire très limité (Mt 15) , ma propre tentative de confrontation de Matthieu avec sa source Marc :

Marc et Matthieu : deux versions, deux visions, deux auditoires, deux messages

Category: biblique 

Tags: 2018, tous, synoptiques