Marc et Matthieu : deux versions, deux visions, deux auditoires, deux messages
Le lecteur est un peu déchiré entre deux choix, deux stratégies de lecture :
- lire Matthieu pour lui-même, et seulement cela
- lire Matthieu contre sa source, Marc (qui écrivait pour des païens), source qu’il adapte beaucoup pour son propre objectif, celui d’écrire pour des Juifs
Cette dernière démarche est permanente chez R. H. FULLER dans le Harper's Bible Commentary, au risque d’en devenir fastidieuse, peut-être exagérée par moments ; mais elle est aussi très éclairante.
Sur la base de l’opinion générale : que Marc est premier, et que Matthieu l’utilise comme source.
À titre d’exemple, et d’exercice, j’examine les deux textes en regard pour Mt 15.
À titre d’illustration de la façon dont Matthieu a utilisé – et a significativement modifié – sa source Marc, une comparaison commentée entre les deux versions pour Mt 15.
Le faire pour tout l’évangile demanderait tout un travail en soi.
J’adopte la perspective de R. H. FULLER dans HBC*, qui estime que Matthieu a été rédigé dans les années 90, et reflète la situation tendue de la communauté matthéenne vis-à-vis de la Synagogue à ce moment-là. Dans cette optique, certaines différences entre Matthieu et sa source semblent mieux s’expliquer.
* Mays, James L., Ed. 1988. Harper’s Bible Commentary. SBL - Harper & Row Publishers.
Pour Matthieu : Reginald H. Fuller, pp. 951-982.
Mc 6:53-56 53 Après avoir traversé la mer, ils vinrent dans le pays de Génésareth, et ils abordèrent. 54 Quand ils furent sortis de la barque, les gens, ayant aussitôt reconnu Jésus, 55 parcoururent tous les environs, et l'on se mit à apporter les malades sur des lits, partout où l'on apprenait qu'il était. 56 En quelque lieu qu'il arrivât, dans les villages, dans les villes ou dans les campagnes, on mettait les malades sur les places publiques, et on le priait de leur permettre seulement de toucher le bord de son vêtement. Et tous ceux qui le touchaient étaient guéris. | Transition avec l’épisode de la marche sur l’eau Mt 14:34-36 34 Après avoir traversé la mer, ils vinrent dans le pays de Génésareth. 35 Les gens de ce lieu, ayant reconnu Jésus, envoyèrent des messagers dans tous les environs, et on lui amena tous les malades. 36 Ils le prièrent de leur permettre seulement de toucher le bord de son vêtement. Et tous ceux qui le touchèrent furent guéris. | Remarques et Commentaire La liaison de Matthieu est beaucoup plus générale, plus courte et bien moins circonstanciée. Il résume Marc, comme si son attention portait ailleurs. Notamment, ce n’est qu’en Marc qu’on perçoit bien que toutes ces guérisons n’ont pas lieu en un seul lieu et à un seul moment : Jésus est en marche et traverse villages, villes et campagnes. Cet abrègement considérable laisse penser que cet évangile des guérisons des malheureux n’était pas la priorité, ni la sienne, ni celle de ses destinataires. |
Mc 7:1-13 1 Les pharisiens et quelques scribes, venus de Jérusalem, s'assemblèrent auprès de Jésus. 2 Ils virent quelques-uns de ses disciples prendre leurs repas avec des mains impures, c'est-à-dire, non lavées. 3 Or, les pharisiens et tous les Juifs ne mangent pas sans s'être lavé soigneusement les mains, conformément à la tradition des anciens; 4 et, quand ils reviennent de la place publique, ils ne mangent qu'après s'être purifiés. Ils ont encore beaucoup d'autres observances traditionnelles, comme le lavage des coupes, des cruches et des vases d'airain. 5 Et les pharisiens et les scribes lui demandèrent: Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens, mais prennent-ils leurs repas avec des mains impures? 6 Jésus leur répondit: Hypocrites, Ésaïe a bien prophétisé sur vous, ainsi qu'il est écrit: Ce peuple m'honore des lèvres, Mais son cœur est éloigné de moi. 7 C'est en vain qu'ils m'honorent, En donnant des préceptes qui sont des commandements d'hommes. 8 Vous abandonnez le commandement de Dieu, et vous observez la tradition des hommes. 9 Il leur dit encore: Vous anéantissez fort bien le commandement de Dieu, pour garder votre tradition. 10 Car Moïse a dit: Honore ton père et ta mère; et: Celui qui maudira son père ou sa mère sera puni de mort. 11 Mais vous, vous dites: Si un homme dit à son père ou à sa mère: Ce dont j'aurais pu t'assister est corban, c'est-à-dire, une offrande à Dieu, 12 vous ne le laissez plus rien faire pour son père ou pour sa mère, 13 annulant ainsi la parole de Dieu par votre tradition, que vous avez établie. Et vous faites beaucoup d'autres choses semblables. | Les mains, la souillure, et le cœur Les anciens et le Livre Jésus et Ésaïe Mt 15:1-9 1 Alors des pharisiens et des scribes vinrent de Jérusalem auprès de Jésus, et dirent: 2 Pourquoi tes disciples transgressent-ils la tradition des anciens? Car ils ne se lavent pas les mains, quand ils prennent leurs repas. 3 Il leur répondit: Et vous, pourquoi transgressez-vous le commandement de Dieu au profit de votre tradition? 4 Car Dieu a dit: Honore ton père et ta mère; et: Celui qui maudira son père ou sa mère sera puni de mort. 5 Mais vous, vous dites: Celui qui dira à son père ou à sa mère: Ce dont j'aurais pu t'assister est une offrande à Dieu, n'est pas tenu d'honorer son père ou sa mère. 6 Vous annulez ainsi la parole de Dieu au profit de votre tradition. 7 Hypocrites, Ésaïe a bien prophétisé sur vous, quand il a dit: 8 Ce peuple m'honore des lèvres, Mais son cœur est éloigné de moi. 9 C'est en vain qu'ils m'honorent, en enseignant des préceptes qui sont des commandements d'hommes. | Matthieu a de nouveau beaucoup abrégé la version de Marc ! Comme une longue parenthèse, Marc donne un développement détaillé sur les coutumes juives à l’intention de ses lecteurs païens. Pour les destinataires de Matthieu, ce sont des choses sues, que Matthieu omet donc. L’organisation littéraire de la confrontation avec les pharisiens et les scribes est aussi simplifiée et réarrangée chez Matthieu. Matthieu n’use pas du mot corban, qui sonne étrange aux oreilles des lecteurs de Marc, et que Marc leur traduit donc. Ce détail de langage est sans objet pour Matthieu, car ses lecteurs le connaissent. Chez Matthieu, le texte d’Ésaïe sert de péroraison à la réquisition de Jésus contre la tradition des anciens. Chez Marc, il lui sert au contraire d’entrée en matière. On voit aussi que Matthieu est beaucoup plus sobre, voire réservé, ne donnant que l’exemple moral irréfutable de la négligence des parents, sur quoi Juifs et païens seront tous d’accord. Il ne s’attaque pas à "beaucoup d’autres choses" traditionnelles, que les Juifs destinataires observaient peut-être encore en toute piété. |
Mc 7:14-23 14 Ensuite, ayant de nouveau appelé la foule à lui, il lui dit: Écoutez-moi tous, et comprenez. 15 Il n'est hors de l'homme rien qui, entrant en lui, puisse le souiller; mais ce qui sort de l'homme, c'est ce qui le souille. 16 Si quelqu'un a des oreilles pour entendre, qu'il entende. 17 Lorsqu'il fut entré dans la maison, loin de la foule, ses disciples l'interrogèrent sur cette parabole. 18 Il leur dit: Vous aussi, êtes-vous donc sans intelligence? Ne comprenez-vous pas que rien de ce qui du dehors entre dans l'homme ne peut le souiller? 19 Car cela n'entre pas dans son cœur, mais dans son ventre, puis s'en va dans les lieux secrets, qui purifient tous les aliments. [Il déclarait ainsi que tous les aliments sont purs, TOB] 20 Il dit encore: Ce qui sort de l'homme, c'est ce qui souille l'homme. 21 Car c'est du dedans, c'est du cœur des hommes, que sortent les mauvaises pensées, les adultères, les impudicités, les meurtres, 22 les vols, les cupidités, les méchancetés, la fraude, le dérèglement, le regard envieux, la calomnie, l'orgueil, la folie. 23 Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans, et souillent l'homme. | La foule, les disciples, et l’intelligence Mt 15:10-20 10 Ayant appelé à lui la foule, il lui dit: Écoutez, et comprenez. 11 Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme; mais ce qui sort de la bouche, c'est ce qui souille l'homme. 12 Alors ses disciples s'approchèrent, et lui dirent: Sais-tu que les pharisiens ont été scandalisés des paroles qu'ils ont entendues? 13 Il répondit: Toute plante que n'a pas plantée mon Père céleste sera déracinée. 14 Laissez-les: ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles; si un aveugle conduit un aveugle, ils tomberont tous deux dans une fosse. 15 Pierre, prenant la parole, lui dit: Explique-nous cette parabole. 16 Et Jésus dit: Vous aussi, êtes-vous encore sans intelligence? 17 Ne comprenez-vous pas que tout ce qui entre dans la bouche va dans le ventre, puis est jeté dans les lieux secrets? 18 Mais ce qui sort de la bouche vient du cœur, et c'est ce qui souille l'homme. 19 Car c'est du cœur que viennent les mauvaises pensées, les meurtres, les adultères, les impudicités, les vols, les faux témoignages, les calomnies. 20 Voilà les choses qui souillent l'homme; mais manger sans s'être lavé les mains, cela ne souille point l'homme. | Les deux versions sont cette fois de longueur égale, mais non sans différences. Matthieu précise "ce qui sort de la bouche" (vv. 11 et 17, alors que Marc dit seulement : "ce qui sort", vv. 15 et 20). Matthieu semble préoccupé plus que Marc par la question de la cacherout. Matthieu reformule et raccourcit la liste des choses mauvaises qui sortent du cœur (7 au lieu de 13). Matthieu ajoute la conclusion formelle sur le nœud de la polémique : manger sans s’être (rituellement) lavé les mains ne rend pas impur. En effet, ce n’est pas le fait de manger une nourriture non casher qui rend impur, mais de manger une nourriture (cacher, naturellement) rendue impure par les mains impures (Mc 7:2 // Mt 15:2). Matthieu ne dit rien sur le fait qu’en réalité, tous les aliments sont purs. Il omet la déclaration de la fin de Mc 7:20, sans doute – là encore – parce que les Juifs de sa communauté, destinataires de son évangile, observaient la cacherout en toute piété. Matthieu réintroduit les Pharisiens : les disciples pointent le fait qu’ils ont été scandalisés par les paroles de Jésus dans la polémique qui précède. La déclaration "Laissez-les, ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles" est dirigée contre la Synagogue et ses chefs, qui s’opposent à la communauté de Matthieu. |
Mc 7:24-30 24 Jésus, étant parti de là, s'en alla dans le territoire de Tyr et de Sidon. Il entra dans une maison, désirant que personne ne le sût; mais il ne put rester caché. 25 Car une femme, dont la fille était possédée d'un esprit impur, entendit parler de lui, et vint se jeter à ses pieds. 26 Cette femme était grecque, syro-phénicienne d'origine. Elle le pria de chasser le démon hors de sa fille. Jésus lui dit: 27 Laisse d'abord les enfants se rassasier; car il n'est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux petits chiens. 28 Oui, Seigneur, lui répondit-elle, mais les petits chiens, sous la table, mangent les miettes des enfants. 29 Alors il lui dit: à cause de cette parole, va, le démon est sorti de ta fille. 30 Et, quand elle rentra dans sa maison, elle trouva l'enfant couchée sur le lit, le démon étant sorti. | La femme étrangère et les démons étrangers ! Mt 15:21-28 21 Jésus, étant parti de là, se retira dans le territoire de Tyr et de Sidon. 22 Et voici, une femme cananéenne, qui venait de ces contrées, lui cria: Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David! Ma fille est cruellement tourmentée par le démon. 23 Il ne lui répondit pas un mot, et ses disciples s'approchèrent, et lui dirent avec insistance: Renvoie-la, car elle crie derrière nous. 24 Il répondit: Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël. 25 Mais elle vint se prosterner devant lui, disant: Seigneur, secours-moi! 26 Il répondit: Il n'est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux petits chiens. 27 Oui, Seigneur, dit-elle, mais les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. 28 Alors Jésus lui dit: Femme, ta foi est grande; qu'il te soit fait comme tu veux. Et, à l'heure même, sa fille fut guérie. | Dans Matthieu, l’étrangère (chez lui, non pas une "grecque" mais une "cananéenne", équivalent par excellence de "non-juive") invoque Jésus comme "Fils de David", assurément un motif messianique et juif typique de son évangile (9 fois, au lieu de 3 fois dans Marc). Matthieu fait intervenir les disciples, qui intercèdent en faveur de la femme à cause du silence de Jésus (v. 23 "il ne lui répondit pas un mot" !). Chez Matthieu, la prière de la femme est plus détaillée et plus formelle (v. 22). On dirait que la scène a deux actes : elle prie Jésus deux fois, et re-sollicite Jésus avec prosternation après sa réponse en forme de mise à distance (v. 24) qu’on dirait d’ailleurs adressée davantage à ses disciples qu’à elle. Seul Matthieu mentionne la maison d’Israël. Les brebis perdues de cet Israël sont maintenant l’Église (cf. 16:18). Dans Matthieu, l’accent est mis sur la foi : de la femme, et par ricochet, des disciples. Sous-entendue, l’incrédulité de la Synagogue et des ses chefs. Marc raccompagne l’étrangère dans sa maison (v. 30, et déjà au v. 24 une maison est mentionnée, où se déroule cet épisode), et nous fait revivre le bouleversement de cette maison, tandis que chez Matthieu, la finale est lapidaire : il est visiblement plus préoccupé par la question "Juifs / païens" en général (on ne sait même pas où cela se passe) que par cette païenne en particulier et ce qui se passe dans "sa maison". Marc est préoccupé par la maison de la femme, Matthieu, par la maison d’Israël. |
Mc 7:31-37 31 Jésus quitta le territoire de Tyr, et revint par Sidon vers la mer de Galilée, en traversant le pays de la Décapole. 32 On lui amena un sourd, qui avait de la difficulté à parler, et on le pria de lui imposer les mains. 33 Il le prit à part loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et lui toucha la langue avec sa propre salive; 34 puis, levant les yeux au ciel, il soupira, et dit: Éphphatha, c'est-à-dire, ouvre-toi. 35 Aussitôt ses oreilles s'ouvrirent, sa langue se délia, et il parla très bien. 36 Jésus leur recommanda de n'en parler à personne; mais plus il le leur recommanda, plus ils le publièrent. 37 Ils étaient dans le plus grand étonnement, et disaient: Il fait tout à merveille; même il fait entendre les sourds, et parler les muets. | Un sommaire de gloire, et un leitmotiv matthéen Mt 15:29-31 29 Jésus quitta ces lieux, et vint près de la mer de Galilée. Étant monté sur la montagne, il s'y assit. 30 Alors s'approcha de lui une grande foule, ayant avec elle des boiteux, des aveugles, des muets, des estropiés, et beaucoup d'autres malades. On les mit à ses pieds, et il les guérit; 31 en sorte que la foule était dans l'admiration de voir que les muets parlaient, que les estropiés étaient guéris, que les boiteux marchaient, que les aveugles voyaient; et elle glorifiait le Dieu d'Israël. | Marc donne plus de détails sur le trajet de retour en Galilée. Matthieu, moins préoccupé de choses grecques, laisse de côté la mention de la Décapole. Chez Matthieu, ce sommaire, qui ponctue ici son récit comme souvent ailleurs, est un abrégé, Il sert, comme chez Marc, de transition vers la seconde multiplication des pains. Ici encore, comme dans l’épisode précédent de la femme étrangère, Marc rapporte avec détails (et avec à nouveau la transcription d’un mot araméen) le cas d’une personne particulière, dont l’histoire remplit les 3/4 du paragraphe, et sert d’exemple de nombreuses autres guérisons (non explicitement mentionnées). Matthieu reste général, et réintroduit une nouvelle fois Israël (v. 31 "le Dieu d’Israël"). Matthieu réintroduit aussi le motif de la montagne ("Étant monté sur la montagne"), où la foule afflue vers Jésus (// Mt 5:1). Le nouveau Moïse pour les païens (ici) est le même que le nouveau Moïse pour Israël (en Mt 5), soit le Messie d’Israël. On pourrait dire que Marc raconte l’histoire d’en bas, comme s’il était parmi la foule des païens ce jour-là. Matthieu la raconte d’en haut. |
Mc 8:1-9 1 En ces jours-là, une foule nombreuse s'étant de nouveau réunie et n'ayant pas de quoi manger, Jésus appela les disciples, et leur dit: 2 Je suis ému de compassion pour cette foule; car voilà trois jours qu'ils sont près de moi, et ils n'ont rien à manger. 3 Si je les renvoie chez eux à jeun, les forces leur manqueront en chemin; car quelques-uns d'entre eux sont venus de loin. 4 Ses disciples lui répondirent: Comment pourrait-on les rassasier de pains, ici, dans un lieu désert? 5 Jésus leur demanda: Combien avez-vous de pains? Sept, répondirent-ils. 6 Alors il fit asseoir la foule par terre, prit les sept pains, et, après avoir rendu grâces, il les rompit, et les donna à ses disciples pour les distribuer; et ils les distribuèrent à la foule. 7 Ils avaient encore quelques petits poissons, et Jésus, ayant rendu grâces, les fit aussi distribuer. 8 Ils mangèrent et furent rassasiés, et l'on emporta sept corbeilles pleines des morceaux qui restaient. 9 Ils étaient environ quatre mille. Ensuite Jésus les renvoya. 10 Aussitôt il monta dans la barque avec ses disciples, et se rendit dans la contrée de Dalmanutha. | Du pain pour les païens Mt 15:32-39 32 Jésus, ayant appelé ses disciples, dit: Je suis ému de compassion pour cette foule; car voilà trois jours qu'ils sont près de moi, et ils n'ont rien à manger. Je ne veux pas les renvoyer à jeun, de peur que les forces ne leur manquent en chemin. 33 Les disciples lui dirent: Comment nous procurer dans ce lieu désert assez de pains pour rassasier une si grande foule? 34 Jésus leur demanda: Combien avez-vous de pains? Sept, répondirent-ils, et quelques petits poissons. 35 Alors il fit asseoir la foule par terre, 36 prit les sept pains et les poissons, et, après avoir rendu grâces, il les rompit et les donna à ses disciples, qui les distribuèrent à la foule. 37 Tous mangèrent et furent rassasiés, et l'on emporta sept corbeilles pleines des morceaux qui restaient. 38 Ceux qui avaient mangé étaient quatre mille hommes, sans les femmes et les enfants. 39 Ensuite, il renvoya la foule, monta dans la barque, et se rendit dans la contrée de Magadan. | Seuls Marc et Matthieu ont deux multiplications des pains. Matthieu suit donc Marc, mais avec ses propres accents. Il faut garder à l’esprit l’importance du pain et de la commensalité en Israël (source de bien des maux dans le première Église). Matthieu ajoute la mention de "quelques petits poissons" aussitôt, accentuant ainsi le parallèle avec la première multiplication (en territoire juif), où les poissons sont mentionnées ensemble dans les deux évangiles. Les poissons aussi sont multipliés. Marc les mentionne à part, plus loin, comme un rappel. Matthieu dit plus explicitement que ce furent les disciples qui distribuèrent la nourriture, et accentue ainsi leur rôle. Matthieu, comme il l’a déjà fait dans le récit de la première multiplication, précise "sans les femmes et les enfants" (v. 38 // 14:21), ce qui reflète indirectement tout un ethos… (en fin de compte, y avait-il donc 4.000 personnes ou environ 15.000 ?) Matthieu et Marc n’ont visiblement pas la même topographie ou la même expérience du terrain… (Marc dit "Dalmanutha", Matthieu "Magadan" – mais nombreuses variations textuelles ici, et dans les deux textes). Dans les deux textes, on trouve deux fois "renvoyer " (au début et à la fin). Les deux récits sont unanimes pour dire comment Jésus, après 3 jours en leur compagnie, ne peut pas renvoyer la foule à jeun. |
FG
Mai 2018