By: Papyrus87 | January 12, 2018
S’incarner dans le contexte ?
De l’utilité ou de l’inutilité de lire l’Écriture en s’incarnant dans le contexte du moment
12/01/2018
Il est difficile de lire un texte ancien avec des yeux modernes. Il faut un effort conscient pour se replacer autant que possible dans un univers dont nous sommes séparés par un abîme de temps. La projection dans le passé de nos catégories présentes, de nos réflexes de pensée, de nos cadres de jugement sont des obstacles sérieux à la compréhension d’un texte ancien dans son contexte ancien.
Si cela est vrai pour toute littérature, c’est d’autant plus vrai pour les Écritures. En réalité, on constate un paradoxe : la croyance en l’inspiration des textes et en leur statut de Parole de Dieu, au lieu d’en faciliter la lecture, rajoute souvent une couche supplémentaire d’opacité pour le lecteur pressé.
Le paradoxe ne s’arrête pas là.
Une lecture expéditive, au lieu d’interpréter, au lieu d’un corps à corps avec le texte, se contentera de cueillir ici et là les quelques passages pertinents pour la situation et le contexte présents, ceux en rapport direct avec les circonstances du lecteur, ou bien ceux qui lui paraîtront évidents ou bien cohérents avec sa confession de foi particulière ou ses catéchismes succincts.
Ainsi, les passages qui lui semblent périmés seront instinctivement laissés de côté sans chercher plus avant. Par exemple ceux consacrés aux viandes sacrifiées (1 Corinthiens 8 et 10 ; Romains 14) : le paradoxe dans ce cas vient du fait qu’une parole qu’on dit inspirée et permanente en réalité ne sert plus à rien.
D’autres textes seront tellement éloignés des préoccupations du lecteur ou du prédicateur que des pans entiers de l’Écriture – notamment de l’Ancien Testament – resteront en friches, tout en faisant l’objet d’une profession de foi insistante en leur inspiration. Encore un paradoxe.
D’autres encore provoqueront un tel sentiment de dissonance avec nos conceptions – par exemple le patriarcalisme naturel qui imprègne l’Écriture, Ancien comme Nouveau Testament – qu’en guise d’interprétation, soit on les mettra en sourdine soit au contraire on les revendiquera contre vents et marées "modernes".
Un tel voile est souvent jeté sur la lecture des textes du Nouveau Testament concernant les rapports entre les premiers croyants juifs et les païens arrivés ensuite à la foi. Une sorte de paralysie de l’interprétation.
Lisant depuis "ici et maintenant" des textes vieux de 2000 ans, sans s’appliquer à entrer dans la peau des croyants du texte, nous les comprenons depuis une position de surplomb (parfois de condescendance) qui, pour quelques avantages qu’elle procure, nous voile les enjeux du texte sans nous armer particulièrement pour faire face à nos propres enjeux.
Un tel "décalage de lecture" me semble évident concernant par exemple la lettre aux Éphésiens (voir ici).
Y a-t-il pire impréparation à la lecture et à l’interprétation que l’ignorance, la méconnaissance, ou le mépris – volontaires parfois – de ses propres présupposés comme des présupposés de ceux dont on lit l’histoire ?
Category: theologique
Tags: lecture, interpretation, 2018, tous