By: Papyrus87 | April 30, 2018
Matthieu 16:18, "sur ce roc"
30/04/2018
NEG traduit Mt 16:18 :
"Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur ce roc, je bâtirai mon Église"
et annote : "gr. petra ; Pierre, gr. petros".
Quoique courte (lapidaire même), cette note en dit long.
Typique de certaines formes d’annotations, on remonte au grec, mais on ne sait qu’en tirer au juste.
Elle n’est rendue nécessaire que parce que les réviseurs de la NEG (1979) ont changé le "sur cette pierre" de Segond (1910) en "sur ce roc".
La SEGOND 21 (du même éditeur) adopte la même façon de traduire dissociante :
"je te dis que tu es Pierre et que sur ce rocher je construirai mon Église"
Noter qu’elles sont assez solitaires dans ce choix, et que toutes les versions récentes de l’ABF conservent le couple "Pierre / pierre" (NBS, COLOMBE, TOB, BFC) sans casser le jeu de mots.
Même la SEMEUR (évangélique, avec une longue note faisant la liste de diverses interprétations) dit dans le texte :
"Et moi, je te déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église"
Si l’on veut mettre l’accent sur la différence entre Pierre (une simple pierre) et Jésus (le roc de fondement) ou la confession de Pierre elle-même, alors à quoi bon mettre une note qui casse cette supposée différence : aucune différence – ici – entre Petros et petra, si ce n’est que l’un est un nom propre (masculin), l’autre un nom commun (féminin).
Noter encore que, comme pour diminuer davantage l’importance de Pierre, la note écrit "Pierre, gr. petros", avec un "p" minuscule, alors que l’usage des éditions lui met une majuscule comme pour tous les noms propres.
Il n’y a aucune entrée pour "petros" ("p" minuscule) dans CARREZ-MOREL, INGELAERE, BAGD ou BROMILEY.
Le nom commun "petros" n’est tout simplement pas utilisé dans le NT.
Il y a bien une entrée "petros" dans BAILLY, pour dire "pierre", parfois aussi synonyme de petra (rarement) ou de lithos (tardivement), mais rien ne permet de penser que Matthieu l’utilisait ici : ici Jésus appelle Pierre par son nom et ne pouvait tout simplement pas dire à Pierre : tu t’appelles Petra, vu que c’est un homme !
Alors que le texte de Matthieu (et les paroles de Jésus rendues en grec) jouent sur l’assonance pour signifier une similitude, la note – et la théologie sous-jacente à la note – cherche à suggérer une différence.
À la base de cette gymnastique étymologique, la crispation sur la doctrine pétrinienne du catholicisme qu’on cherche à disqualifier avec du grec.
Ce n’est pas la meilleure façon de la réfuter, et c’est là un exemple de plus de l’effet de balancier d’un extrême à l’autre des polémiques herméneutiques qui en fin de compte nous voilent le texte.
Comme modèle de lecture de ce texte , je citerais celle de D. CARSON dans EBC (je n’ai rien lu de mieux depuis).
J’en donnerai un résumé ici.
FG
Avril 2018
Abréviations et sources
ABF — Alliance biblique française
BAGD — Greek-English Lexicon of the New Testament (1958, Bauer, Arndt, Gingrich & Danker)
BAILLY — Dictionnaire grec-français (1950)
BROMILEY — Theological Dictionary of the New Testament (1985, éd. en 1 volume, G. W. Bromiley)
CARREZ-MOREL — Dictionnaire grec-français du Nouveau Testament (1971, M. Carrez et F. Morel)
EBC — Expositor's Bible Commenatry
INGELAERE — Dictionnaire grec-français du Nouveau Testament (1988, J.-C. Ingelaere, P. Maraval et P. Prigent)
NEG — Bible Segond, Nouvelle édition de Genève (1979)
SEMEUR — Bible du Semeur (Étude, 2000)
Category: biblique
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