Manuscrits. Écritures. Lectures.

By: Papyrus87 | January 02, 2018

Relire sans avoir lu

02/01/2018


Il arrive souvent que la démarche de relecture de textes anciens par les auteurs du NT nous échappe ou nous indiffère.

À titre d'exemple, la façon dont est lue – par nous lecteurs modernes venus bien longtemps après – l'exégèse du Psaume 40 par Hébreux 10 est symptomatique de cette indifférence.

Un article en préparation s'essaiera (avec l'aide de commentaires, cela va de soi) à confronter cette citation sans esquive.

En voici d'ores et déjà l'introduction.

Qui d'ailleurs pourrait convenir en substance pour bien d'autres citations.


La citation de ce passage [Ps 40:7-9] par le mystérieux auteur des Hébreux (dont le nom s’est perdu plus par l’incurie des hommes que par une éventuelle volonté divine d’anonymat : Dieu signe ce qu’il dit, et ses secrétaires aussi !) devrait intriguer le lecteur autant par sa forme que par la profondeur de son sens (son sens dans le psaume, et son sens dans la citation du psaume).

Or, comme pour d’autres citations inattendues ou surprenantes, rares sont ceux qui s’en étonnent. Voilà qui est fort étonnant !

Et qui est révélateur de la conception que nous avons de l’Écriture et de l’attitude psychologique avec laquelle on s’en approche : ayant affaire à la Parole de Dieu, toute faculté d’étonnement et de questionnement semble anesthésiée, l’esprit change de registre de fonctionnement, et la crainte de penser s’entremêle à la crainte de Dieu dans une étrange pelote, à cause de la piété, ou sous prétexte de piété. Voilà qui est encore fort étonnant.

Autre raison possible de cette disposition particulière et inhabituelle de l’esprit dès qu’il entre dans l’Écriture : la simple indifférence. La démarche de relecture du texte ancien ne nous tracasse pas, seul le texte nouveau nous intéresse.

Autres raisons encore : l’absence d’utilité pratique pour la piété, ou de connexion avec le réel immédiat, ou le contentement d’office avec les évidences. Ou, plus prosaïquement la simple paresse.

Curieuses paralysies de l’esprit !


Il faut noter d’emblée qu’ici (en Hé 10) comme ailleurs (dans les épîtres de Paul, notamment Ga 4:21-31), nous avons affaire à une exégèse interne, de type rabbinique, d’un texte biblique par un autre texte biblique qui lui est postérieur. En effet, Hébreux ne se contente pas de citer le texte du Ps 40 (vv. 5-7), mais il le commente (vv. 8-10) en en extrayant un sens nouveau qui ne se trouve pas dans le psaume, ou qui ne s’y trouve qu’en germe si l’on veut. Ce type d’exégèse juive ne devrait pas nous étonner : l’auteur des Hébreux – juif – a baigné depuis l’enfance dans ce cadre herméneutique, et c’est "sa langue maternelle" d’interprète peut-on dire.

Ce qui est étonnant, ce n’est pas l’exégèse du Ps 40 par Hé 10 en elle-même, mais – pour me répéter jusqu’à lasser – le fait que (tout en n’ayant pas conscience de l’univers mental dans lequel elle est pratiquée) on ne s’étonne pas – nous, Grecs – de cette façon de lire et de re-lire un texte ancien.

On donne par là l’illusion que pour nous, c’est tout naturel.

Illusion ! C’est plutôt dû une sorte d’amortissement de l’esprit.

Ou bien alors, de Grecs, nous sommes passés Juifs en un instant.

Il y a ainsi ce paradoxe : notre foi en Christ nous voile les textes.

Nous sommes passés directement à la re-lecture, sans passer par la lecture !

Si c’est là une vertu, soit.