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By: Papyrus87 | February 15, 2018

Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat

Rav Israël Salanter, le rabbin qui mangea à Kippour

15/02/2018


On raconte l’histoire de Rabbi Israel Lipkin de Salant (1810–1883), plus connu sous le nom de Rav Yisrael Salanter, laquelle créa un précédent dans le monde juif.

Une épidémie de choléra était au plus fort en Lituanie à l’automne 1848, alors que s’approchait le jour solennel du jeûne de Yom Kippour. Pour éviter que sa communauté de Vilnius ne s’affaiblisse par un jeûne supplémentaire devant un tel risque dramatique, il fut d’avis publiquement de ne pas jeûner cette fois-là. Lui-même mangea ce jour-là, et son avis fut écouté, sans doute à cause de sa grande piété et sa grande érudition connues de tous.

Mais il fut aussi contesté. Notamment après coup, par un certain Rabbi Betzalel HaKohen, qui écrivit vingt ans après l’événement :


Je dois faire savoir pour toutes les générations ce point important, que pendant trois années successives plus de 12 000 hommes et femmes jeûnèrent [à Yom Kippour pendant l’épidémie de choléra] à travers toutes nos contrées, et aucun mal n’arriva à aucun d’entre eux, et cela fut virtuellement connu du monde entier à l’époque.

(ma traduction)


Ce grave cas de conscience scripturaire – réplique de l’épisode du récit des évangiles quasiment (cf. Marc 2:23-27) – nous montre comment des esprits pieux et brillants ont été amenés à avoir plus soin des hommes que du sabbat ou d’autres rites calendaires.

On sympathise avec l’anxiété provoquée par ces dilemmes chez ces Juifs – rabbins et communautés – qui vivaient dans l’Écriture jour et nuit.

Loin de nous de prendre ces appréhensions et ces scrupules de haut.


Par comparaison, la réaction affligeante du monde chrétien de l’époque, nettement moins sympathique, et libre – elle – de toute appréhension, suscite beaucoup moins d’empathie et d’indulgence.

Dans les Église protestantes, il se disait que l’épidémie avait particulièrement sévi chez les ivrognes et chez les vicieux et les méchants. La pandémie de cette période fut attribuée au juste châtiment divin. Même en Angleterre on y vit l’intervention divine, et des membres conservateurs du Parlement poussèrent au vote d’un jour de jeûne. Ce fut un jour d’expiation pour les prétendus péchés d’une société toujours plus dissolue et séculière. Ce jour-là les églises furent bondées de fidèles de toutes conditions.

Dans les segments de l’Église de tempérament plus eschatologisant, on considéra que le choléra était le signe annonciateur de la fin des temps. On y vit la peste qui devait emporter le monde entier avant la rédemption finale. Chez les Mormons, on crut dans un premier temps que le fléau était un instrument de Dieu pour détruire tous les pécheurs, tandis que les justes seraient protégés, une théologie qui s’effondra lorsque l’épidémie frappa aussi des groupes de fidèles émigrés en Amérique.

Bien que ces idées fussent empruntées à l’Ancien Testament, elles ne trouvaient aucun écho chez les Juifs de ce temps-là.


Sources :

Taub, Ira. 2009. “The Rabbi Who Ate on Yom Kippur: Israel Salanter and the Cholera Epidemic of 1848.”

dans :

Wiesen, Jonathan. 2009. And You Shall Surely Heal: The Albert Einstein College of Medicine Synagogue Compendium of Torah and Medicine. New York: Ktav Pub & Distributors Inc.

(accessible en ligne)


Quelques éléments de biographie ici :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Isra%C3%ABl_de_Salant


Quelque temps après que ce billet a été achevé, j’ai trouvé cette émission :

L'héritage éthique du judaïme

https://www.franceculture.fr/emissions/talmudiques/lheritage-ethique-du-judaisme-0

où il est question du rôle de Rabbi Israël Salanter dans la tradition éthique du judaïsme.

Category: historique 

Tags: judaisme, 2018, tous, ethique