By: Papyrus87 | September 11, 2019
"Analogie verbale"
11/09/2019
Note herméneutique en passant: une voie plus exigeante
La reconnaissance d’exégèses traditionnelles typiquement rabbiniques dans le NT, adossées à une herméneutique générale et intuitive baignée dans les pratiques d’interprétation juive du Second Temple, est de plus en plus admise aujourd’hui, même si – surtout dans l’univers évangélique – c’est du bout des lèvres.
On ne peut qu’y gagner en clairvoyance à reconnaître à ces textes (qui pour beaucoup – dont je suis – fondent la vie, la foi, et l’existence même) leur antiquité et la facture humaine qui les tissent.
Comment ils peuvent être à la fois inspirés et ainsi marqués d’humanité est précisément le cœur d’une réflexion sur la nature des Écritures, si toutefois l’on est disponible pour une telle réflexion, sans l’évacuer mécaniquement par un dogme tout fait.
Ceci dit, il faut ajouter immédiatement qu’il ne va pas de soi – loin de là – qu’on ait par conséquent la liberté de faire d’office la même chose!
Que ce soit sur les textes de l’AT où le NT pratique manifestement cette herméneutique, ou sur le NT lui-même, quand il en est lui-même le fruit.
L’exégèse par "analogie verbale" (gezerah shavah*) court trop le risque de transformer la Bible en un immense hypertexte cliquable à volonté, produisant des lectures tournant sans cesse sur elles-mêmes, et à vrai dire dispensant de tout véritable effort de lecture, pour que ce soit un "outil" d’interprétation de mise.
Ne faudrait-il pas plutôt ouvrir une autre piste, celle d’une réflexion sur l’herméneutique de ces textes – une herméneutique de leur herméneutique, si l’on peut dire, à savoir une réflexion sur la manière de lire et de comprendre leur manière de lire et de comprendre – qui aboutisse à autre chose qu’une simple imitation qu’on dira (rapidement et à bon marché selon moi) "biblique".
Une voie un peu plus exigeante, donc.
En tout cas, si l’on se livrait tout de même un peu à ce type d’interprétation, ce ne devrait pas être – toujours selon moi – par réflexe non pensé, mais à bon escient, et avec (grande) modération...
* I. Howard MARSHALL voit un exemple de gezerah shavah dans l'usage de "à ma droite" en Actes 2.
Cf. le Commentary on the New Testament Use of the Old Testament, Baker - Apollos, 2007, p.542.