Manuscrits. Écritures. Lectures.

Enns, Peter. 2016. The Sin of Certainty: Why God Desires Our Trust More Than Our “Correct” Beliefs. New York, NY: HarperOne.

19/12/2017

Extraits traduits (décembre 2016)


p. 9

L'Église est trop souvent l'endroit le plus risqué pour être spirituellement honnête.


p. 12

(après un long et difficile cheminement qui l'a conduit à être exclu du Westminster Theological Seminary où il était professeur)

En dépit de tout ce que cette école avait représenté pour moi, j'étais maintenant prêt à la quitter. Vraiment prêt. C'est ce que je fis.

Je me souviens de ces premiers mois de douce liberté. … Je me sentais vivre, né de nouveau, comme si j'avais été libéré d'un camp de prisonniers, délivré d'un donjon, et comme si je voyais briller le soleil et sentais la brise fraîche pour la première fois. J'avais une énergie sans bornes. …

Mais cette liberté retrouvée, ce soulagement et cette euphorie devaient avoir un prix, comme j'allais le constater six mois après environ.

Un fusible sauta, et ma foi fut plongée dans le noir.

Qu'arriva-t-il ?

Ma communauté spirituelle, avec des frontières clairement définies et toutes sortes de sens interdits intellectuels, était suffocante, mais elle avait une chose pour elle : un territoire spirituel clairement délimité. Je "savais" ce que je croyais.

J'avais une certaine liberté de me promener, mais des gardes étaient stationnés dans les tours pour me décourager de m'aventurer trop près des barrières électriques. Penser par moi-même n'était pas nécessaire [NB : c'était un professeur, avec un doctorat...], et en fait était mal vu. On portait les poids lourds pour moi. J'avais juste à être d'accord et à signer à l'endroit des pointillés (littéralement, car nous devions signer une confession de foi détaillée). Cela procurait une vie de foi sans risques, prévisible.

Je n'étais pas préparé pour cela. Je me sentis terriblement seul, sans aucune idée d'où cela allait conduire.

Pendant plus d'un an, je me me retrouvai à la maison, seul et sans travail. J'avais comme besoin d'appuyer sur le bouton reset pour recharger mon logiciel.


p. 32

La vie n'avait plus d'ordre. Par "vie", je veux dire une femme, trois enfants, une carrière, les responsabilités financières, la maladie, le stress, les crises, la souffrance, la mort. Vous savez, la "vie". Mon expérience restait déconnectée d'avec ce que je "savais" sur Dieu, sur le monde, et sur ce que voulait dire vivre dans le monde. Les façons habituelles de penser me donnaient de moins en moins de certitudes...

Je ne tiens personne d'autre pour responsable de mon expérience. Une chose est sûre, c'est qu'à la fin de la journée, nous sommes tous responsables de ce que nous faisons.


p. 52

Et voici la grande ironie : c'est que la longue quête du Protestant pour lire la Bible "correctement" n'a pas conduit à une certitude de plus en plus grande au sujet de ce que la Bible veut dire. Tout le contraire ! Cela a conduit à un nombre stupéfiant de dénominations différentes et de sous-dénominations, qui sont grandement en désaccord sur la manière de comprendre des parties importantes de la Bible.

Je veux dire que, si la Bible est notre source de connaissance sûre sur Dieu, comment expliquons-nous pareille diversité ? La Bible n'est-elle pas censée nous unifier plutôt que nous diviser ?


p. 61

La plupart d'entre nous vivons notre vie dans le Psaume 88 : là où nos échafaudages spirituels se sont écroulés, et où nous ne sommes plus très sûrs au sujet de Dieu et de beaucoup d'autres choses. Ce que nous pensions savoir, ce dont on était certain et sur quoi on pouvait compter, ne s'avère plus si certain après tout. Et nous voilà à agiter notre doigt en direction de Dieu.

Mon sentiment est que ce qui motivait mes conducteurs spirituels, c'était de me protéger de ces sentiments-là, ou de me faire la leçon quand j'en avais. Jamais on ne m'a dit de regarder en face le fait que parfois la foi ressemble à cela. C’est bien regrettable ! Les gens comme moi, – et la plupart d'entre nous, j'imagine –, ont besoin qu'on leur dise que nous ne sommes pas seuls. Voilà pourquoi c'est mon psaume préféré, et je suis heureux qu'il se trouve dans la Bible.


p. 69

Comme pour être parents, la foi en Dieu ne suit pas un scénario... la déconnexion entre ce que le psalmiste (du Ps 73) pense de la manière dont les choses devraient fonctionner, et la réalité de la vraie vie, produit une crise de la foi. Ce qu'il pensait savoir, ce dont il était si certain, en fin de compte n'a pas fonctionné.


p. 186

Ma famille reçut l'autorisation de laisser le passé derrière elle et d'aller de l'avant, mais non pas comme auparavant, esclave de la crainte, mais en cultivant les semences de confiance qui avaient été plantées ces derniers mois.


p. 188

"Tu es d'une valeur éternelle", tel fut le message que Lizz [sa fille] avait reçu en Arizona. Ni elle ni moi n'avions entendu cela pendant toutes ces années de vie d'Église. Et je commençai à me demander pourquoi. Au contraire, le point de départ n'avait pas été que nous étions profondément humains, mais qu'il nous manquait toujours quelque chose, qu'il fallait régler cela : priez plus, faites plus, ayez plus de foi.

Je me disais avec des regrets : "Pourquoi n'avons-nous jamais entendu quelqu'un dire cela dans l'église ?"


p. 193

J'ai fini aussi par m'accepter moi-même pour ce que je suis. Je suis "câblé" comme un explorateur. J'estime important de mettre à l'épreuve les vieilles orthodoxies, et de proposer de nouveaux regards. Ce n'est ni bien ni mal en soi. C'est juste ce que je suis. Je crois que j'avais besoin d'apprendre à accepter qui je suis, sans présenter d'excuses, mais aussi sans tomber dans le piège de penser que mon type particulier de foi, rempli de livres, de langues, d'enseignement et d'écriture, est ce qu'il y a de mieux sur ce que Dieu est. J'étais en train d'apprendre – et maintenant encore – à honorer Dieu avec ma tête sans vivre "dedans".


J'avais besoin d'être dans une communauté faite de gens de chair et de sang, avec Christ au centre.

J'ai besoin d'être dans un endroit où le pupitre est sur le côté et la table [de la cène] est au centre, symboles pour moi de ces vieilles dispositions où les prédications interminables étaient le centre du culte.


J'ai besoin de dimanches matins centrés sur ce qui est "trans-rationnel", les mystères chrétiens fondamentaux de l'incarnation et de la résurrection, le véritable cœur battant de la foi. Non pas des choses irrationnelles ou qui ne méritent ni débat ni discussion, mais des choses qui, une fois que la poussière intellectuelle s'est nettoyée, se trouvent en fin de compte au-delà de ce que notre esprit est capable de saisir.

J'ai besoin d'un Dieu plus grand que mes arguments.


p. 195

L'un des plus grands réconforts de l'histoire d'Israël est qu'elle contient des expressions franches de doute et de manque de foi en Dieu comme faisant partie de la foi...

Je suis reconnaissant pour cette Bible, plutôt qu'une Bible aseptisée, où les combats spirituels sont balayés sur le côté comme des problèmes à corriger au lieu d'être compris comme faisant partie du voyage de la foi.


p. 200

Naturellement, la plupart des souffrances dans le monde occidental ne comprennent pas les prisons et les tortures de régimes de violence. Mais les souffrances émotionnelles et intellectuelles – comme celles qu'on trouve dans les lamentations des Psaumes, de Job et de Qohelet – n'en sont pas moins de vraies souffrances.


p. 204

Une foi qui est sans cesse dans le mode du combat permanent... cette sorte de foi n'est pas marquée par la confiance dans le Créateur. Elle est stressante et chargée d'anxiété, et elle ne conduit pas à de saines relations avec les autres, y compris ceux qui nous sont les plus proches.


p. 205

Un foi centrée sur la confiance regardera le monde avec des yeux humbles, ouverts, et vulnérables. Nous nous considérerons comme des membres et des participants, plutôt que comme des maîtres et des conquérants. ... Au lieu d'être impatiente de donner le dernier mot sur des questions qui nous embarrassent, une foi centrée sur la confiance prendra le temps qu'il faut pour formuler les questions d'une manière qui tienne compte du mystère de Dieu, et qui fasse appel à Dieu pour avoir le courage de s'asseoir devant ces questions difficiles aussi longtemps qu'il sera nécessaire avant de chercher à aller plus loin.

Une foi centrée sur la confiance appréciera et honorera les sages, c'est-à-dire ceux qui par l'expérience et la maturité spirituelle ont acquis le droit d'être des conducteurs capables de nourrir la foi chez les autres.


p. 208

Je suis père, et professeur, et je suis parfois découragé par le type de foi que nous transmettons aux générations suivantes, où l'objectif premier est de "protéger le passé". D'un côté, je comprends cela. Mais il y a une différence, je crois, entre un respect constructif pour la tradition, et le fait de s'accrocher comme dans une addiction à notre image de Dieu, un Créateur fait à l'image inquiétante de simples créatures à laquelle nous nous cramponnons avec une folle frénésie.


p. 209

Une foi qui reste ouverte à un Dieu qui vient compliquer nos certitudes non seulement influencera nos propres vies et les vies de ceux qui nous sont proches, mais cela fera aussi de nous de meilleurs citoyens du monde.


p. 210

cultiver chez les chrétiens une culture de la confiance en Dieu, plutôt que de lever des soldats pour des guerres saintes...


p. 211

rester ouvert au mouvement de l'Esprit de Dieu, qui "souffle où il veut, et tu en entends le bruite, mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va" (Jean 3:8).

Une foi comme celle-là ne vient pas facilement pour beaucoup d'entre nous, et souvent elle n'émerge qu'à l'issue finale d'expériences difficiles et éprouvantes.

Car c'est dans ces moments-là que nous en venons à réaliser combien nous savons réellement si peu de choses, que nous avons bradé Dieu en échange de nos propres vieilles images de Dieu, et que la poursuite frénétique de la "façon correcte de penser" à laquelle on s'agrippe, nous laissera tôt ou tard vides et épuisés.

Mais si nous nous risquons à aller plus loin, nous commencerons alors à voir que la confiance en Dieu, et non la "pensée correcte" sur Dieu, est le commencement et la fin de la foi, le seul véritable et durable chemin.

En venir à réaliser cela a été, pour moi comme pour d'autres, ce qui a fait toute la différence.