Écritures » Joël, le prophète d'Actes 2
version du 08/10/2018
"… mais ici se réalise cette parole du prophète Joël" (TOB)
Cette étude n’a pas d’ambition académique. C’est plutôt un travail personnel, engagé et impliqué – mêlant sans trop de rigueur tentatives d’exégèse, commentaire tout personnel, réflexions et états d’âme – sur une citation elle-même citée, globalement plus souvent qu’examinée dans le détail.
Elle ne fait donc pas "l’état de la question" ni le point de l’immense littérature sur les citations en général et celle-ci en particulier.
Pour cela, on se tournera ailleurs.
L’analyse dans le détail tient compte des variantes textuelles quand elles sont significatives et peuvent être utiles pour comprendre les différences entre les textes, et parfois leur intention.
Pour certaines en effet, ils s’agit de variantes quasi-théologiques, destinées à incliner le sens.
Pour ce qui est de la formule d’accomplissement introductive
v.16 ἀλλὰ τοῦτό ἐστιν τὸ εἰρημένον διὰ τοῦ προφήτου Ἰωήλ
"Mais c'est ce qui a été dit par l'entremise du prophète Joël" NBS
elle est classique, si ce n’est qu’elle commence par un "mais", destiné à contrer les sarcasmes de quelques moqueurs.
La lecture peut passer sans dommage par-dessus les citations de l’original en grec ou en hébreu et se contenter des versions signalées ou de n’importe quelles autres.
Dans les cas où des détails de texte jouent sur le sens, ils seront translittérés.
Pour les règles de translittération, voir ici.
Pour les abréviations générales, voir ici.
v. 17 (NB : Jo 2:28-32 = TM 3:1-5)
AT (NEG)
28 Après cela, je répandrai mon esprit sur toute chair; Vos fils et vos filles prophétiseront, Vos vieillards auront des songes, Et vos jeunes gens des visions.
TM 3:1
וְהָיָה אַֽחֲרֵי־כֵן אֶשְׁפּוֹךְ אֶת־ רוּחִי עַל־כָּל־ בָּשָׂר וְנִבְּאוּ בְּנֵיכֶם וּבְנֽוֹתֵיכֶם זִקְנֵיכֶם חֲלֹמוֹת יַחֲלֹמוּן בַּחוּרֵיכֶם חֶזְיֹנוֹת יִרְאֽוּ׃
LXX
28 καὶ ἔσται μετὰ ταῦτα καὶ ἐκχεῶ ἀπὸ τοῦ πνεύματός μου ἐπὶ πᾶσαν σάρκα καὶ προφητεύσουσιν οἱ υἱοὶ ὑμῶν καὶ αἱ θυγατέρες ὑμῶν καὶ οἱ πρεσβύτεροι ὑμῶν ἐνύπνια ἐνυπνιασθήσονται καὶ οἱ νεανίσκοι ὑμῶν ὁράσεις ὄψονται
BRENTON
28 And it shall come to pass afterward, that I will pour out of my Spirit upon all flesh; and your sons and your daughters shall prophesy, and your old men shall dream dreams, and your young men shall see visions.
NT
17 Καὶ ἔσται ἐν ταῖς ἐσχάταις ἡμέραις, λέγει ὁ θεός, ἐκχεῶ ἀπὸ τοῦ πνεύματός μου ἐπὶ πᾶσαν σάρκα, καὶ προφητεύσουσιν οἱ υἱοὶ ὑμῶν καὶ αἱ θυγατέρες ὑμῶν, καὶ οἱ νεανίσκοι ὑμῶν ὁράσεις ὄψονται, καὶ οἱ πρεσβύτεροι ὑμῶν 16 ἐνυπνίοις ἐνυπνιασθήσονται
NT (NEG)
17 Dans les derniers jours, dit Dieu, je répandrai de mon Esprit sur toute chair; Vos fils et vos filles prophétiseront, Vos jeunes gens auront des visions, Et vos vieillards auront des songes.
- Pour le TM, NEG sacrifie l’ouverture du verset avec וְהָיָ֣ה, comme bien d’autres versions modernes.
On peut penser qu’il est superflu et que c’est une coordination purement formelle.
Il me semble pourtant qu’il est porteur d’une certaine emphase prophétique à ne pas laisser de côté.
Cf. MARTIN : "Et il arrivera après ces choses que…".
Idem CRAMPON, BOVET-BONNET, DARBY.
Le style est alourdi, mais l’accent prophétique sur ce qui va être / doit être est préservé.
On pourrait dire : Voici ce qui arrivera….
Ou même : Car voici ce qui va arriver... (pour conserver aussi le וְ) et mettre l’accent aussi avec la liaison avec le v. 27 ("Et vous saurez que … Car…").
Idem pour כֵן, que les versions modernes négligent. Pourtant, il y a là un peu de sens à retraduire.
Seul RABBINAT lui fait justice : "… si bien que vos fils et vos filles prophétiseront".
À moins que ce ken ne renvoie à ce qui précède ?
Soit : après qu’il en sera ainsi = quand ces promesses (des vv. 18-27) se réaliseront, alors je répandrai…
À confirmer.
On pourrait rendre l’ouverture et préserver toutes ces petites nuances en disant par exemple :
"Et voici ce qui va se produire ensuite : ..."
Si l’on pense que ces détails comptent pour le sens.
On peut aussi préférer l’économie de mots.
Le reste du verset ne présente pas de difficultés.
Les versions renoncent en général à rendre la redondance verbe / complément de l’hébreu, reproduite littéralement dans la LXX et Luc : songer des songes, voir des visions (mais 2 racines différentes dans ce dernier cas).
La façon de rendre l’ensemble par la BFC est intéressante :
Par la suite, dit le Seigneur,
je répandrai mon Esprit sur tout être humain.
Vos fils et vos filles deviendront prophètes,
je parlerai par des rêves à vos vieillards
et par des visions à vos jeunes gens.
Ainsi dans chaque cas, il s’agit de la parole de Dieu : Dieu parle par des prophéties, des rêves, ou des visions.
C’est plus expressif, en fin de compte, que l’assez ordinaire "avoir".
- La LXX change l’objet direct de "je répandrai" ("mon Esprit") en partitif ("de mon Esprit").
אֶת־רוּחִי => ἀπὸ τοῦ πνεύματός μου
Luc suit la LXX.
La forme est différente, le sens revient au même : Dieu peut-il verser "tout" son Esprit dans des vases de terre ?
L’expression καὶ ἔσται μετὰ ταῦτα strictement telle quelle ne se trouve qu’ici dans la LXX, sauf erreur.
Mais μετὰ ταῦτα s’y trouve très souvent.
D’autre part, "après ces choses" du TM (אַחַר הַדְּבָרִים הָאֵלֶּה) est souvent traduit servilement par μετὰ τὰ ῥήματα ταῦτα ou par μετὰ τοὺς λόγους τούτους ("après ces paroles").
La LXX reprend littéralement le וְהָיָה du TM en disant καὶ ἔσται.
- Luc (Pierre ou Luc comme on voudra) change καὶ ἔσται μετὰ ταῦτα ("après ces choses") de la LXX en ἐν ταῖς ἐσχάταις ἡμέραις ("dans les derniers jours"). C’était déjà pour Pierre les "derniers jours" (pas seulement pour lui : cf. références plus bas), et la tonalité du texte est eschatologique.
Note
En disant "Pierre", je dis "Luc". En effet, Pierre n’a pas donné ce premier discours en grec mais – en plein cœur de Jérusalem et à un auditoire de Juifs pieux – en "langue hébraïque" (// Paul en 21:40 ; 22:2).
Nous n’avons aucune raison de penser l’inverse.
Et nous en avons la relation par Luc en grec, avec sans nul doute un part d’abréviation, de mémoire, et de réécriture.
Que Luc ait laissé son empreinte dans sa relation des faits est difficilement contestable.
Cf. NIBC / WILLIAMS : "There is no question, however, that Luke has left his own stamp on the speeches" (p. 48).
Mais "après ces choses" était peut-être entendu comme équivalent à "dans les derniers jours".
On peut penser que l’expression "dans les derniers temps / jours" (dans lesquels ils étaient) était dans l’air : 1 Tim 4:1 ; 2 Tim 3:1 ; Hé 1:2 ; Ja 5:3 ; 1 Pi 1:5 ; 2 Pi 3:3.
L’expression "dans les derniers jours" ne se trouve jamais telle quelle dans l’AT, mais en plus d’un endroit (comme ici dans Joël), "après ces choses" a bien une portée eschatologique.
Par contre on trouve très souvent "dans la suite des jours" (בְּאַחֲרִית הַיָּמִים), que la LXX traduit par ἐπ' ἐσχάτων τῶν ἡμερῶν / ἐπ' ἐσχάτου τῶν ἡμερῶν / ἐπ' ἐσχάτῳ τῶν ἡμερῶν / ἔσχατον τῶν ἡμερῶν.
Ou bien par ἔσται ἐν ταῖς ἐσχάταις ἡμέραις (en Es 2:2, un passage non sans parenté avec celui-ci de Joël : montagne de Sion, salut à Jérusalem, nations / "quiconque", lumière de l’Éternel / nom de l’Éternel, en somme deux apocalypses), exactement comme ici dans Actes 2:17.
Pour CNTUOT / MARSHALL, c’est au contraire une modification majeure ("a major alteration") qu’apporte Luc à sa source. Pour les quelques manuscrits du NT qui ont μετὰ ταῦτα, il s’agit très probablement d’une rétro-harmonisation avec le texte dominant de la LXX (ainsi TC).
Peut-être encore Luc avait-il un texte différent sous les yeux.
Ou encore cite-t-il de mémoire, ou bien rapporte-t-il exactement ce que Pierre citait, lui, de mémoire.
Plus simplement, Luc a ajusté le texte aux nouvelles circonstances : dans Joël, "après ces choses" concerne les choses qui précèdent dans le contexte.
Dans le contexte de Joël, les "choses" qui précèdent sont : un pays détruit par les sauterelles, des avertissements concernant l’arrivée du jour du Seigneur ("Jour de ténèbres et d’obscurité), l’appel à la repentance, le retour à la bénédiction de la terre (fruits, blé, moût, huile, etc.), couronnée par l’effusion de l’Esprit sur Israël, jeunes et vieux, fils et filles, serviteurs comme maîtres. Après quoi, les dispersés reviennent à Sion, où les nations seront soumises.
Dans le contexte de Luc – tout différent de celui de Joël –, il n’y a pas de "choses" qui précèdent, sinon que Jésus les a introduits dans les "derniers temps", tonalité à laquelle Luc adapte sa citation.
En fait, "les choses" après lesquelles l’Esprit est répandu sont celles décrites après la citation : l’avènement de Christ et sa passion, objet de tout le discours de Pierre, qu’il termine par :
"il a reçu du Père le Saint-Esprit, et il l’a répandu"
pour expliquer ce qui vient de se produite par "les choses" qui ont précédé.
Ici, B (Vaticanus) a μετὰ ταῦτα, probablement une correction postérieure (voir note ci-dessous).
Note
Les détails de la composition et l’histoire de sa rédaction du texte nous échappent, et nous échapperont toujours. Seul le texte final est à nous. Mais ce texte final lui-même est variant, ce qui ajoute à la complexité.
Lire à ce propos les remarques du TC sur toute la citation (p. 295), qui nous est parvenue sous deux formes (alexandrine et occidentale, représentée respectivement par le codex Vaticanus [B] et le codex de Bèze [D]) : en un mot, il est difficile de démêler la part de l’auteur de celle des éditeurs postérieurs.
L’auteur a très bien pu citer Joël librement en l’adaptant à la circonstance, et un éditeur avoir remis la citation en conformité avec la LXX. Ou inversement, c’est l’auteur qui a cité d’après sa Septante, et un réviseur occidental qui l’a modifié ensuite.
Solus Deus scit...
Pierre insère λέγει ὁ θεός ("dit Dieu") : ce que dit le prophète Joël (v. 17) est ce que dit Dieu.
(ou λέγει κύριος "ce que dit le Seigneur" selon certains témoins – cf. Vulgate "dicit Dominus")
C’est là un ajout qui est dans l’air : BFC dit de même pour Jo 3:1 : "Par la suite, dit le Seigneur…".
CNTUOT / MARSHALL semble dire qu’il s’agit ici, sous la plume de Luc, du Messie.
Sans doute vrai dans la théologie de Luc (cf. v. 33 "Élevé par la droite de Dieu, il a reçu du Père le Saint-Esprit qui avait été promis, et il l'a répandu, comme vous le voyez et l'entendez."), mais "Dieu" ici est plutôt celui du contexte de Joël : "l’Éternel" (Joël 2:28, 32).
Il ne faut pas surcharger le texte de théologie.
Pierre dit juste qu’il cite l’Écriture, et à vrai dire, c’est selon moi juste une incise dans son discours. Il aurait très bien pu dire : "Voici ce que dit Dieu" (c’est Pierre qui parle) : "Dans les derniers temps…" (c’est Dieu qui parle).’
C’est ce que nous faisons aussi lorsque nous citons l’Écriture.
Il y a une menue différence pour les songes des vieillards :
LXX οἱ πρεσβύτεροι ὑμῶν ἐνύπνια ἐνυπνιασθήσονται (evupnia accusatif pl.)
NT οἱ πρεσβύτεροι ὑμῶν ἐνυπνίοις ἐνυπνιασθήσονται (enupniois datif pl.)
Peut-être Luc a-t-il essayé de donner une tournure plus grecque à l’hébraïsme "songer des songes", auquel "auront des songes", assez fade, ne rend pas justice, mais que le littéral "songeront des songes" (RABB., MARTIN) alourdit et rend "étranger".
Le choix de BFC me paraît le plus judicieux : "Je parlerai par des rêves à vos vieillards".
Que ce soit par prophétie, songe, ou vision, il s’agit toujours de la parole de Dieu.
L’ordre est différent pour fils / filles / vieillards / jeunes gens :
TM & LXX : fils / filles / vieillards / jeunes gens
NT : fils / filles / jeunes gens / vieillards
Luc a-t-il voulu être plus "logique" ?
Ou alors, le texte, cité de mémoire, est-il venu spontanément dans cet ordre sous la plume de Luc ?
Ou alors, n’y a-t-il aucun sens particulier à donner à cette différence insignifiante ?
TC note que la variante "leurs fils et leurs filles prophétiseront" de quelques témoins s’explique par la volonté de faire s’appliquer l’oracle prophétique aux Gentils.
Idem pour Ac 2:39, où ils disent "la promesse est pour nous, pour nos enfants..."
AT (NEG)
29 Même sur les serviteurs et sur les servantes, Dans ces jours-là, je répandrai mon esprit.
TM 3:2
וְגַם עַל־ הָֽעֲבָדִים וְעַל־ הַשְּׁפָחוֹת בַּיָּמִים הָהֵמָּה אֶשְׁפּוֹךְ אֶת־ רוּחִֽי׃
LXX
29 καὶ ἐπὶ τοὺς δούλους καὶ ἐπὶ τὰς δούλας ἐν ταῖς ἡμέραις ἐκείναις ἐκχεῶ ἀπὸ τοῦ πνεύματός μου
BRENTON
29 And on my servants and on my handmaids in those days will I pour out of my Spirit.
NT
18 καί γε ἐπὶ τοὺς δούλους μου καὶ ἐπὶ τὰς δούλας μου ἐν ταῖς ἡμέραις ἐκείναις ἐκχεῶ ἀπὸ τοῦ πνεύματός μου, καὶ προφητεύσουσιν
NT (NEG)
18 Oui, sur mes serviteurs et sur mes servantes, Dans ces jours-là, je répandrai de mon Esprit; et ils prophétiseront.
Le NT insiste un peu plus sur la détermination divine à répandre l’Esprit en disant "Oui, etc.".
Soit καί γε kai ge au lieu du simple καί.
En fait, il faudrait même dire : "Et oui ! sur mes serviteurs etc."
En cela, il serait plus fidèle au TM "et aussi" que la LXX qui, elle, néglige de rendre la conjonction emphatique gam.
C'est le NT / Pierre qui ajoute "mes" (2 fois) !
Source ?
Cf. Finley, Thomas J. 2003. Joel, Amos, Obadiah: An Exegetical Commentary. Biblical Studies Press.
p. 73.
On pourrait aussi voir là une autre nuance : Dieu ne fait pas acception de personnes. L’Esprit est répandu sur les petits et sur les grands, tant hommes que femmes, maîtres ou serviteurs.
En fait, en germe là, ce qu’on trouvera sous la plume d’un Paul plus loin : en Christ, point d’homme ou de femme, ni maître ni esclave, et même les principes de séniorité sont dépassés !
Note
Sous-jacente, une critique détournée de l’ordre social du judaïsme du temps, entièrement verrouillé par les clercs : les serviteurs et les servantes sont à lui !
Et de fait, ici, beaucoup de gens de peu, qui vont vite trouver sur leur chemin les gardiens du Temple, de l’ordre établi – c.-à-d. le clérical – et de l’orthodoxie.
La libération de l’Évangile et par l’Évangile est aussi là.
Il est paradoxal et surprenant – mais est-ce si surprenant, après tout ? – que le christianisme se soit enlaidi rapidement par la suite à la ressemblance de ce qu’il avait sapé.
Quand l’Évangile cesse de scandaliser nos croyances, nos prêts-à-penser, notre orthodoxie, et notre beau savoir, c’est que nous avons réussi à domestiquer sa force de sape.
Mais – grâces à Dieu – il réussira, lui, à nous frapper à la hanche un prochain jour.
Le NT suit la LXX en utilisant le partitif "de mon Esprit" au lieu du complément d’objet simple "mon Esprit".
Il n’y a pas là grande différence de sens à chercher.
C’est aussi le NT / Pierre qui rajoute "et ils prophétiseront" à la fin, comme en point d’orgue. Cette insistance finale répond à celle du début du verset ("Et oui !).
Comme on pouvait s’y attendre, certains témoins minoritaires omettent cette répétition de "ils prophétiseront", sans doute pour harmoniser le texte avec la LXX.
Sans doute doit-on voir dans cette reprise volontaire l’accent mis sur la place de la prophétie dans l’Église ("et ils seront prophètes." TOB), même si sur le moment, il n’est pas dit formellement qu’ils prophétisèrent (comme en Ac 19:6).
En tout cas, le retour de la prophétie au sein du peuple était le signe de l’avènement de l’âge messianique et de l’inauguration des "derniers jours" (ainsi EBC / LONGENECKER).
AT (NEG)
30 Je ferai paraître des prodiges dans les cieux et sur la terre, Du sang, du feu, et des colonnes de fumée;
TM 3:3
וְנָֽתַתִּי מֽוֹפְתִים בַּשָּׁמַיִם וּבָאָרֶץ דָּם וָאֵשׁ וְתִֽימֲרוֹת עָשָֽׁן׃
LXX
30 καὶ δώσω τέρατα ἐν τῷ οὐρανῷ καὶ ἐπὶ τῆς γῆς αἷμα καὶ πῦρ καὶ ἀτμίδα καπνοῦ
BRENTON
30 And I will shew wonders in heaven, and upon the earth, blood, and fire, and vapor of smoke.
NT
19 καὶ δώσω τέρατα ἐν τῷ οὐρανῷ ἄνω καὶ σημεῖα ἐπὶ τῆς γῆς κάτω, αἷμα καὶ πῦρ καὶ ἀτμίδα καπνοῦ
NT (NEG)
19 Je ferai paraître des prodiges en haut dans le ciel et des miracles en bas sur la terre, Du sang, du feu, et une vapeur de fumée;
Le langage est apocalyptique. Joël reprendra le même langage en Jo 3:15 ("Le soleil et la lune s’obscurcissent, et les étoiles retirent leur éclat").
Les lecteurs ne s’attardent pas trop sur la partie de la citation qui commence ici. Sentant confusément qu’elle ne "s’applique pas" à nous, la citation est en pratique mentalement et spontanément arrêtée au v. 18, même si on la lit du bout des lèvres jusqu'au bout.
Non seulement cette seconde partie (vv. 19-21) est mise en sourdine, mais son articulation même avec ce qui précède est passée sous silence ou rapidement esquivée.
Certains manuscrits (minoritaires) semblent avoir eu bien avant nous la même gêne et omettent tout simplement toute l’expression "du sang, du feu, et une vapeur de fumée", sans doute sentant qu’elle ne s’appliquait pas vraiment à la situation (cf. TC, à nouveau).
La tonalité apocalyptique – les événements sur la terre répondant à des événements célestes – est encore appuyée par l’ajout, à première vue superflu, de "en haut… en bas" par le NT / Pierre.
La symétrie ciel / terre est même davantage accentuée par l’ajout par Pierre de σημεῖα "signes" (sur la terre) en parallèle aux τέρατα "prodiges" (dans le ciel) !
Le reste des signes (sang, feu, colonnes de fumée) est alors en apposition à σημεῖα "signes".
Noter qu’on trouve le sang deux fois !
On peut aussi penser que Pierre n’ajoute pas vraiment σημεῖα "signes", mais que le terme inexprimé est bien déjà présent en germe dans ces 3 signes terrestres.
Et sans doute est-ce aussi pour désigner ici le signe des langues (absent de Joël).
Selon toute vraisemblance, Pierre cite toute la prophétie comme étant accomplie parce que l’atmosphère est bien apocalyptique, et qu’il pense et parle dans un cadre tout apocalyptique : pour lui, et ce dès Ac 1 – et malgré là le discours à contre-courant de Jésus qui cherche sans grand succès à modifier leur cadre de pensée de manière répétée – le Royaume est en train de faire irruption : le bruit des langues (v. 5) est juste comme le tonnerre annonciateur des autres signes, imminents.
Ce qui est surprenant, ce n’est pas que Pierre ait cité plus que ce qui était (selon nous) nécessaire pour expliquer les langues et les prophéties chez des gens du simple peuple (comme Joël l’avait bien annoncé), mais qu’il s’abstienne de citer la toute fin du v. 32 de Joël 2 (= 3:5 dans le TM).
Voilà bien des pistes de réflexion.
AT (NEG)
31 Le soleil se changera en ténèbres, Et la lune en sang, Avant l'arrivée du jour de l'Éternel, De ce jour grand et terrible.
TM 3:4
הַשֶּׁמֶשׁ יֵהָפֵךְ לְחֹשֶׁךְ וְהַיָּרֵחַ לְדָם לִפְנֵי בּוֹא יוֹם יְהוָה הַגָּדוֹל וְהַנּוֹרָֽא׃
LXX
31 ὁ ἥλιος μεταστραφήσεται εἰς σκότος καὶ ἡ σελήνη εἰς αἷμα πρὶν ἐλθεῖν ἡμέραν κυρίου τὴν μεγάλην καὶ ἐπιφανῆ
BRENTON
31 The sun shall be turned into darkness, and the moon into blood, before the great and glorious day of the Lord come.
NT
20 ὁ ἥλιος μεταστραφήσεται εἰς σκότος καὶ ἡ σελήνη εἰς αἷμα πρὶν ἢ ἐλθεῖν ἡμέραν κυρίου τὴν μεγάλην καὶ ἐπιφανῆ.
NT (NEG)
20 Le soleil se changera en ténèbres, Et la lune en sang, Avant l'arrivée du jour du Seigneur, De ce jour grand et glorieux.
Il y a un glissement de sens entre le "terrible" du TM (un jour qu’il faut craindre) et le "glorieux" de la LXX (un jour de révélation) repris tel quel par le NT. D’ailleurs, le NT suit strictement la LXX dans ce verset.
Pour וְהַנּוֹרָֽא la LXX aurait-elle lu נִרְאֶה (de ראה au lieu de ירא) ?
Quelques témoins d’Ac 2 (dont le Sinaiticus et D, tout de même) omettent καὶ ἐπιφανῆ, sans doute à cause de l’inattention de copistes distraits... (cf. TC).
C’est NEG qui change le verbe "venir" en nom ("l’arrivée") dans sa traduction aux deux endroits.
Les autres versions (COLOMBE NBS, BFC, TOB) traduisent le verbe en verbe ("avant que vienne").
Il se trouve qu’en grec comme en hébreu, il y a une construction en infinitif (לִפְנֵי בּוֹא / πρὶν ἐλθεῖν), d’où la possibilité d’une traduction littérale.
BRENTON omet simplement le verbe, sans grande perte de sens.
GIGUET le conserve et dit "avant qu'arrive le grand jour, le jour éclatant du Seigneur."
De même, NETS dit "before the great and notable day of the Lord comes."
Ce sont ici les signes "dans le ciel" annoncés au v. 19. Pour Pierre, le jour du Seigneur est tout proche, quasi là. Les premiers signes (prophéties, visions, songes) annoncent les seconds.
Il faut sans doute comprendre que la prophétie est accomplie en germe, car sur le moment, il n’y a que des langues, et pas plus de songes et de visions que de signes dans le ciel. Le bruit et le feu sont eux-mêmes des prémices de signes plus grands.
Pierre ne comprend donc pas "accomplir" comme nous.
D’autre part, dans la Bible hébraïque – dont il est pénétré – les événements terrestres sont parfois décrits accompagnés de grand signes célestes de type apocalyptique, procédé littéraire qui nous est passablement étranger.
Exemples (tirés de DeMAR, pp. 147-151) :
- Es 13, qui décrit la chute de Babylone, emploie des termes d’une apocalypse universelle, tel le Jour du Seigneur
Ainsi aux vv. 9-10 :
9 Voici, le jour de l'Éternel arrive, Jour cruel, jour de colère et d'ardente fureur, Qui réduira la terre en solitude, Et en exterminera les pécheurs. 10 Car les étoiles des cieux et leurs astres Ne feront plus briller leur lumière, Le soleil s'obscurcira dès son lever, Et la lune ne fera plus luire sa clarté.
- Ez 32, qui décrit la destruction de l’Égypte par Babylone, utilise le même registre de langage
Ainsi aux vv. 7-8 :
7 Quand je t'éteindrai, je voilerai les cieux Et j'obscurcirai leurs étoiles, Je couvrirai le soleil de nuages, Et la lune ne donnera plus sa lumière. 8 J'obscurcirai à cause de toi tous les luminaires des cieux, Et je répandrai les ténèbres sur ton pays, Dit le Seigneur, l'Éternel.
- Es 34, qui décrit la ruine d’Édom, se sert de la même imagerie
Ainsi aux vv. 4-5 :
4 Toute l'armée des cieux se dissout; Les cieux sont roulés comme un livre, Et toute leur armée tombe, Comme tombe la feuille de la vigne, Comme tombe celle du figuier. 5 Mon épée s'est enivrée dans les cieux; Voici, elle va descendre sur Édom, Sur le peuple que j'ai voué à l'extermination, pour le châtier.
- Am 8, qui annonce la fin d’Israël et de Juda, le fait en termes semblables
Ainsi au v. 9 :
9 En ce jour-là, dit le Seigneur, l'Éternel, Je ferai coucher le soleil à midi, Et j'obscurcirai la terre en plein jour;
Je n’affirme pas que la citation de Joël en Actes 2 doit être interprétée forcément de cette manière. Mais c’est mieux que l’esquive et la mise en sourdine du texte parce qu’on "sent" que la correspondance entre prophétie et accomplissement n’est pas exactement ce qu’on aurait attendu.
(pour les querelles d’interprétation de ce passage entre pré-, post- et a-millénaristes, cf. EBC / LONGENECKER, ce dans quoi je n’entre pas)
C’est en tout cas, ce jour-là, la fin d’un monde, même si c’était une Pentecôte comme les autres, sans cataclysme particulier cette année-là.
Mais la fin d’Israël était toute proche, néanmoins, à peu d’années de là.
Le discours de Pierre n’est pas une "défense" du parler en langues, ce pour quoi il est souvent utilisé. D’ailleurs, Joël – le pouvait-il ? – ne parle pas de langues.
C’est plutôt l’expression bouillonnante et débordante d’un homme tout entier baigné dans les Écritures de son peuple (et dans l’herméneutique juive de son temps), habité d’espérances messianiques au sein d’un monde bouleversé et piétiné par le tyran, qui assiste au bourgeonnement de la délivrance sous une forme qu’il n’a pas encore envisagée et qu’il n’aurait pu concevoir, et qui lui donne forme, sens, et expression à travers le langage qui l’habite, c’est-à-dire celui des Écritures de son peuple.
C’est ce qu’il continue de faire, d’ailleurs, dans la suite de son discours, en citant les Psaumes à deux reprises.
À s’en tenir à un notion mécanique, purement prédictive, littérale, plate, moderniste, de la prophétie et de son accomplissement, il n’y eut alors ni prophéties, ni visions, ni songes, ni prodiges dans le ciel, ni sang, ni ténèbres, ni colonne de fumée.
Au contraire, en prenant un peu de hauteur dans l’interprétation de ce passage, sans doute serons-nous en mesure de l’appréhender dans une perspective plus juste, plus en harmonie avec l’univers scripturaire juif, celui du Juif qui parle.
Cf. NIBC / WILLIAMS :
"in its exposition of Scripture there survives a very primitive argument for the messiahship of Jesus in which is displayed the hermeneutical style of the rabbis" (p. 49).
EBC / LONGENECKER parle de pesher, une interprétation qui met l’accent sur l’accomplissement de la prophétie (ceci est cela = "c’est ici ce que..."), sans s’attarder à faire l’exégèse de ses détails.
NTC / MARGUERAT :
"Vient ensuite une citation de Jl 3,1-5, légèrement modifiée de manière à correspondre à l’événement de la Pentecôte. Ce procédé de type pesher, connu de Qumrân, consiste à relire l’Écriture en l’adaptant pour faire comprendre la signification de l’histoire présente."
Ce fut donc bien, ce jour-là, le Jour du Seigneur, quoique d’une certaine manière.
AT (NEG)
32 Alors quiconque invoquera le nom de l'Éternel sera sauvé;
Le salut sera sur la montagne de Sion et à Jérusalem, Comme a dit l'Éternel, et parmi les réchappés que l'Éternel appellera.
TM 3:5
וְהָיָה כֹּל אֲשֶׁר־ יִקְרָא בְּשֵׁם יְהוָה יִמָּלֵט כִּי בְּהַר־ צִיּוֹן וּבִירוּשָׁלִַם תִּֽהְיֶה פְלֵיטָה כַּֽאֲשֶׁר אָמַר יְהוָה וּבַשְּׂרִידִים אֲשֶׁר יְהוָה קֹרֵֽא׃
LXX
καὶ ἔσται πᾶς ὃς ἂν ἐπικαλέσηται τὸ ὄνομα κυρίου σωθήσεται
ὅτι ἐν τῷ ὄρει σιων καὶ ἐν Iερουσαλημ ἔσται ἀνασῳζόμενος καθότι εἶπεν κύριος καὶ εὐαγγελιζόμενοι οὓς κύριος προσκέκληται
BRENTON
32 And it shall come to pass that whosoever shall call on the name of the Lord shall be saved:
for in mount Sion and in Jerusalem shall the saved one be as the Lord has said, and they that have glad tidings preached to them, whom the Lord has called.
NT
21 καὶ ἔσται πᾶς ὃς ἂν ἐπικαλέσηται τὸ ὄνομα κυρίου σωθήσεται.
NT (NEG)
21 Alors quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.
On gagnera, une fois encore, à ne pas considérer les paroles de Pierre juste sous l’angle d’un accomplissement mécanique d’une prédiction.
Le cadre du texte de Joël est assez éloigné du moment vécu par les 120 disciples (s’ils étaient bien 120 ce jour-là).
C’est surtout la partie de verset omise par Pierre, justement, qui le fait mieux percevoir.
Cela se sent dans la façon de traduire de TOB mieux que dans celle de NEG :
Alors, quiconque invoquera le nom du SEIGNEUR sera sauvé. En effet, il y aura des rescapés sur la montagne de Sion et à Jérusalem, comme le SEIGNEUR l’a dit, parmi les survivants que le SEIGNEUR appelle.
Et mieux encore dans celle de BFC :
Alors quiconque fera appel au Seigneur sera sauvé.
A Jérusalem, sur le mont Sion,
certains échapperont au désastre,
comme le Seigneur l'a promis.
Ce seront ceux qu'il appelle à la vie.
Dans Joël, la tonalité est apocalyptique, à nouveau : les éléments terrestres et célestes s’entremêlent, et les événements universels sont tissés dans l’histoire d’Israël de l’époque.
Les paroles de Pierre juste après d’ailleurs, en Ac 2:40, ont la même tonalité : « Sauvez-vous, disait-il, de cette génération dévoyée. » TOB
Dans le TM, il s’agit d’un salut physique : être épargné lors de la ruine du peuple.
ATI dit "échappera" pour יִמָּלֵט , "rescapés" pour פְלֵיטָה , et "survivants" pour שְּׂרִידִים.
Un langage de temps de guerre.
פְלֵיטָה (délivrance, secours) est un singulier collectif (comme on dit "la captivité" pour dire les "captifs") : le reste, ce qui est sauvé.
Noter aussi (chose gommée dans NEG) qu’il y a 2 fois "appeler" dans le verset : celui qui "appellera par le nom du Seigneur" et celui que le Seigneur "appellera" (ce second emploi n’est d’ailleurs pas forcément à traduire en pluriel, s’agissant d’un participe présent : cf. TOB "que le SEIGNEUR
Curieusement, seule la BFC, censée ne pas être une traduction littérale, respecte cette assonance formelle et cherche à la rendre !
Alors quiconque fera appel … ceux qu'il appelle…
Il est utile de restituer au lecteur l’idée de ces 2 "appels" qui se répondent et se croisent, même si dans le texte ce n’est pas strictement le même mot (ἐπικαλέω / προσκαλέω –
Pour le TM, il faut aussi noter l’interprétation qu’en donne BARTHÉLÉMY dans CTAT3 :
On considérera donc וּבַשְּׂרִידִים comme coordonné à בְּהַר־צִיּוֹן וּבִירוּשָׁלִַם , ce qui
donne: "Car, sur le mont Sion et à Jérusalem il y aura des réchappes, comme le
SEIGNEUR l'a dit, et parmi les laissés que le SEIGNEUR appelle".
On indiquera en note qu'il s'agit des Israélites qui auront été "laissés" dans la diaspora.
Cette traduction donne ainsi tout son poids à la dernière coordination we "et".
Pour la LXX, la syntaxe est un peu hachée (cf. la traduction de GIGUET et de NETS ci-dessous). On y trouve les termes qui deviendront les termes clés du NT : invoquer, être sauvé, le Nom du Seigneur, "évangéliser".
GIGUET traduit :
Et il arrivera que quiconque invoquera le Nom du Seigneur sera sauvé; car alors sera sauvé tout ce qui sera sur la montagne de Sion et de Jérusalem, et avec eux tous les évangélisés que le Seigneur a élus, comme l'a dit le Seigneur.
Et NETS rend ainsi :
And it shall be, everyone who calls on the name of the Lord shall be saved, because in Mount Sion and in Ierousalem there shall be one who escapes, as the Lord has said, and people who have good news announced to them, whom the Lord has called.
Pour le NT, Pierre a tronqué la citation. Pour la partie qu’il cite, il suit strictement la LXX.
Pour la partie qu’il omet, voir ci-dessous.
On peut dire que tout le discours de Pierre à l’adresse de ceux qui étaient stupéfaits sans savoir que penser (v. 12), et sa défense des phénomènes étranges qui ont accompagné la descente de l’Esprit à l’adresse des moqueurs (v. 13), convergent vers cette dernière parole qu’il cite de Joël : "Alors, quiconque fera appel au Seigneur sera sauvé.” (BFC).
C’est sans doute pour cela qu’il arrête la citation ici, en omettant la fin du verset de Joël, ayant atteint la pointe de son argument.
Pour "Seigneur", NTC / MARGUERAT commente :
Dans le texte de Joël, il s’agit assurément de Dieu ; mais sur les lèvres de Pierre, le doute est permis : ce Seigneur n’est-il pas Jésus ? La suite du discours travaillera à le faire comprendre (voir v. 36).
Le salut dont parlait Joël n’est pas le même salut que celui dont parle Pierre.
C’est précisément pour cela qu’il doit l’expliquer aux auditeurs, et qu’il dit que ce qui avait été annoncé par le prophète s’est réalisé : "C’est ici ce qui a été dit par le prophète" (v. 16).
C’est là la manière – surprenante, inattendue, imprévue – dont s’est accomplie l’Écriture.
C’est là le sens à donner au mot accomplissement, selon Pierre.
La partie de verset que Pierre n’a pas citée !
On est surpris de la citation tronquée, d'autant plus que la LXX y a εὐαγγελιζόμενοι euangelizomenoi.
Mais Ac 2:39, au futur ("en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera." ὅσους ἂν προσκαλέσηται κύριος ὁ θεὸς ἡμῶν) rappelle ce v. 32, au passé, où l’on a οὓς κύριος προσκέκληται ("que le Seigneur a élus", appelés).
On peut donc considérer Ac 2:39 comme un écho ou une citation indirecte de la partie omise plus haut.
Pour ainsi dire, Pierre "tenait en suspens" dans son esprit le texte cité et son contexte non cité.
D’autre part, le mot dont l’omission surprend le plus est εὐαγγελιζόμενοι (les "évangélisés") qui n’a pas vraiment son équivalent dans le TM.
Sur ce point, CTAT3 dit que la LXX a cru reconnaître en ובשרידים la racine בשׂר (baśar "annoncer une bonne nouvelle"), alors qu’il s’agit du pluriel de sarîd ("celui qui se sauve, échappe d’une défaite, d’un carnage" ST), de la racine שׂרד (śarad "se sauver, échapper").
Pour la LXX, il s’agit de ceux de Sion à qui est annoncé la bonne nouvelle qu’ils seront épargnés au jour du Seigneur (cf. v. 31 "le grand jour, le jour éclatant du Seigneur" GIGUET).
Mais s
La forme (et l’idée) est la même, la seule différence étant que chez Luc, c’est toujours au sens moyen ("annoncer une bonne nouvelle" = "évangéliser"), alors qu’ici c’est un passif ("recevoir une bonne nouvelle" = "être évangélisé").
Note
Étrangement, et assez solitaire, CUOTNT traduit en moyen ici aussi :
For on Mount Zion and Jersusalem, will be one who is saved, as the Lord said, and those who preach good news to those whom the Lord has called.
Voir ANNEXE 2
(reste à vérifier comment a traduit la Bible d’Alexandrie, que je n’ai pas à portée de main).
L’omission formelle de la fin du v. 32 (formelle, mais momentanée, car l’idée se retrouve souvent ailleurs, comme on vient de le dire) peut aussi s’expliquer par une différence de perspective :
- dans le TM, elle est centripète : tout converge sur Sion et Jérusalem
- dans Ac 2, elle est centrifuge : v. 39 "et pour tous ceux qui sont au loin" (cf. Ac 1:8 "et jusqu’aux extrémités de la terre")
On ne peut toutefois pas dire que Pierre avait déjà les Gentils en vue, comme Ac 10 le montre sans nuance. Lorsqu’au v. 39 il dit "et pour tous ceux qui sont au loin", il pensait sans nul doute aux Juifs de la diaspora.
Mais on sait comment ces Juifs-là ont servi de pont dans les premiers temps de l’Église, où l’Évangile était annoncé d’abord dans les synagogues de la diaspora (cf. Actes), et de là s’étendait aux craignant-Dieu et aux païens.
On ne peut pas davantage dire que Pierre pouvait entrevoir un délai de plusieurs siècles pour l’accomplissement des signes qu’il cite : il s’attendait à les voir s’accomplir dans un proche avenir ("Certainly he could not have foreseen a delay of many centuries before their fulfillment." EBC / LONGENECKER p. 276).
Pour conclure, je dirais que la citation du texte de Joël par Pierre, la manière de le citer, et la manière de ne pas tout le citer, nous donnent des éléments de compréhension :
- de la nature de la prophétie biblique
- du sens de son "accomplissement"
- de la conception de l’Écriture en monde juif
- de l’interprétation des Écritures dans ce même monde
- et de l’usage (centré sur Christ) des Écritures chez les auteurs bibliques
Sur un plan herméneutique plus large, et pour cette citation comme pour une foule d’autres, on doit convenir qu’il nous faut abandonner une fois pour toute notre conception moderne de la citation (deux points, ouvrez les guillemets… fin de citation) qui voudrait dire à l’Écriture comment elle devrait citer l’Écriture !
Cela évitera deux fâcheuses attitudes :
- soit l’esquive gênée par une dissonance plus ou moins consciente, qui détourne pieusement le regard des citations déroutantes, comme pour ne pas prendre l’Écriture en défaut
- soit les contorsions exégétiques qui cherchent à se persuader contre l’évidence que – si, si ! – la citation est bien correcte et conforme, respectant le sens, le contexte et l’intention de l’auteur, comme pour excuser un mauvais élève qu’on veut surnoter
En réalité, la liberté de citation – pour Pierre comme pour ses auditeurs juifs – est le signe d’une plus grande familiarité avec l’Écriture qu’une citation servile.
La majorité des citations de l’AT dans le NT sont des citations adaptées, réorientées, ré-appliquées, transplantées, transformées, relues, voire réécrites.
Dans ce cas précis d’Actes 2 citant Joël, les nombreuses menues modifications de forme par Luc / Pierre, les différences de perspective, de direction et d’objectif sont autant d’aiguillons destinés à forcer la réflexion ("Pourquoi donc et comment Pierre cite-t-il Joël ainsi ?"), et non à l’éteindre ("Si, si ! Pierre cite bien Joël comme il faut"), le tout étant orienté vers un message non-évident : Dieu a fait Seigneur et Messie d’Israël ce Jésus que vous avez crucifié ! (v. 36).
Pour finir, je citerai ELLIS :
Les variations [d’avec la LXX] deviennent donc un indice important pour découvrir non seulement l’interprétation par l’auteur d’un passage particulier de l’AT, mais aussi sa perspective sur l’AT dans son ensemble.
Deux outils systématiques utiles, sinon indispensables, pour l’étude des citations sont le OT Quotations in the NT et le Commentary on the NT Use of the OT (cf. Sources).
Plutôt que d’en réinsérer les points importants dans le travail achevé ci-dessus, j’en donne un résumé ci-dessous en annexe.Chacun de ces deux ouvrages est d’une part "technique", mais a aussi sa propre perspective théologique, assez sensible dans le commentaire des différences entre le texte de Joël et sa citation par Pierre.
ANNEXE 1
OT Quotations in the NT
pp. 146-149
Le OTQNT fournit très commodément les 3 textes (TM, LXX, NT) de manière synoptique dans 3 colonnes. Une 4e colonne est consacrée au commentaire.
Il est d’origine évangélique stricte, et donne plus d’une fois l’impression de vouloir "défendre" les citations contre d’éventuelles charges de non-conformité au texte cité.
Il est assez paradoxal de vouloir défendre l’Écriture contre l’Écriture…
S’agissant du passage de Joël, en voici l’essentiel :
- toutes les différences formelles sont listées :
. dans les derniers jours au lieu de après cela
. de mon Esprit au lieu de mon Esprit
. l’inversion jeunes gens / vieillards
. l’insistance du v. 18 (kai ge au lieu du simple kai de la LXX :"Oui, sur mes serviteurs…")
. l’insertion de en haut et de en bas au v. 19
. et l’ajout de signes
. la vocalisation différente au v. 20 (glorieux au lieu de terrible)
- pour ce qui est du commentaire, en voici la teneur
(avec mon commentaire du commentaire, en retrait et précédé du signe =>)
. Ac 2:17 insère "dans les derniers jours" par déduction à partir du contexte de Joël 2
=>
. il ne s’agit pas d’une insertion, mais d’une substitution
. le contexte de Joël 2 est, précisément, différent !
. la LXX et le NT insèrent ἀπό apô devant "Esprit" [= "de mon Esprit"] peut-être pour éviter la fausse impression que toute la troisième Personne de la Trinité allait être répandue sur les croyants
=>
étrange justification que cette notion "quantitative" de la Personne de l’Esprit ! Et Pierre ne pensait certes pas en termes de "personnes" et de "Trinité" : il est peu probable que la préoccupation de Pierre ait été celle des commentateurs, et il est peu probable qu’il faille charger théologiquement cette menue différence stylistique. Les oreilles juives étaient largement habituées à la notion de l’Esprit répandu sur quelqu’un. Et même lorsque quelqu’un a demandé un jour une "double portion", il ne concevait certes pas pour autant la divinité comme un manteau dont on pourrait faire des morceaux.
En outre, cette perspective "quantitative" va à contre-courant de la croyance évangélique classique, selon laquelle, si dans l’ancienne alliance l’Esprit était distribué avec parcimonie et seulement sur quelques-uns, dans la nouvelle alliance au contraire, il est répandu avec abondance ("le Saint-Esprit qu'il a répandu sur nous avec abondance" Tit 3:5-6) et sur tous ("Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit"), selon l’antique vœu de Moïse ("Puisse tout le peuple de l'Éternel être composé de prophètes ; et veuille l'Éternel mettre son esprit sur eux !" No 11:29) !
Le registre "quantitatif" est donc ici inapproprié.
Il vaut mieux lire ce "de mon Esprit" sur un plan "qualitatif", comme on dit de quelqu’un qu’il a donné de sa personne : c’est-à-dire qu’il s’est donné lui-même.
. l’inversion de "vieillards / jeunes gens" en "jeunes gens / vieillards" est sans grande portée, à moins que Pierre n’ait cherché à rendre plus nettement une idée de progression
=>
peut-être…
. pour le kai ge , référence est faite au travail de BARTHÉLÉMY sur une "recension kai ge"
=> (voir https://en.wikipedia.org/wiki/Kaige_revision
et
https://en.wikipedia.org/wiki/Greek_Minor_Prophets_Scroll_from_Nahal_Hever)
. les insertions de "en haut" et "en bas" et l’ajout de "signes" sont faites pour une plus grande clarté et pour un plus grand impact. "Signes" sêmeia est un parallèle naturel à "prodiges" terata correspondant à la paire ’otôt môphtîm
=>
en effet, on trouve אֶת־אֹתֹתַי וְאֶת־מוֹפְתַי en Ex 7:3 ("je multiplierai mes signes et mes miracles dans le pays d’Égypte") et בְּאֹתֹת וּבְמוֹפְתִים en De 4:34 ("par des signes et par des miracles"). Il y a encore De 26:8 et 34:11, et Ps 135:9.
Mais ce n’est guère pour une meilleure clarté que Pierre fait ces ajouts : le texte de Joël est clair.
On assiste plutôt à une amplification générale du verset, pour sans doute – oui – un plus grand impact.
Le CNTUOT est plus substantiel, mêlant analyse technique, exégèse et théologie. La partie sur Actes est due à I. Howard Marshall, suivie d’une imposante bibliographie.
MARSHALL est un expert en herméneutique (cf. son New Testament Interpretation : Essays on Principles and Methods, 1977 / 1992, dont il a été l’éditeur), et il serait assez immodeste de vouloir lui donner la réplique.
Néanmoins, le présent lecteur amateur ne parvient pas à le suivre en tous points.
(mes remarques intercalées, en retrait et précédées du signe =>)
D’une part, MARSHALL reconnaît que dans l’usage des citations dans le discours de Pierre (Ac 2:14-36) – celle de Joël et celles des Psaumes – l’argumentation à partir des Écritures n’est pas facile à suivre. On y trouve une forme d’exégèse midrachique (chaînes de citations, allusions, réutilisation des mots des citations dans l’exposition, changement de la formulation) et l’introduction de la citation ("C’est ici ce qui a été dit par le prophète Joël") a la même fonction que celle des pesharim des manuscrits de la Mer Morte, à savoir identifier un événement actuel avec quelque chose décrit dans une prophétie
D’autre part, il considère qu’il s’agit bien d’une prédiction au sens propre :
Lorsqu’un passage de l’Écriture est explicitement au futur, et annonce ce que Dieu fera dans le futur, il est difficile de comprendre l’explication d’un événement contemporain dans les termes de ce passage sans que cela implique que de cette manière une prophétie qui attendait d’être accomplie a maintenant trouvé son accomplissement.
Dans son exposé, il met l’accent sut tout ce qui permet de voir la citation sous l’angle de la prédiction accomplie
Comme j’ai tenté de l’exprimer plus haut, nous ne sommes pas obligés de choisir entre ces deux options.
MARSHALL cite de nombreux avis d’exégètes, sans qu’on sache toujours s’il les partage ou non.
En tout cas, l’on voit que ce passage a suscité un flot de littérature.
Ce n’est donc pas moi qui donnerai le dernier mot…
Il rappelle le contexte de Joël, et conclut que sa portée (en rapport avec Actes 2 ?) n’est pas d’emblée évidente ("The significance of this in its context is not immediately clear").
La citation de la prophétie sert initialement à expliquer le phénomène de la plénitude de l’Esprit ("Spirit-possesion") et des langues, mais aussi à introduire le second thème – la proclamation du salut pour ceux qui invoquent le Seigneur –, qui devient le thème dominant. Il cite C. A. EVANS qui voit dans la prophétie l’annonce de ce qu’on voit dans les Actes par la suite (le salut pour les Gentils, les signes et les miracles, l’activité prophétique des femmes, les visions et les songes).
Sur 2:17
La prophétie et l’accomplissement s’éclairent mutuellement, dans l’idée que la correspondance entre la description prophétique et l’accomplissement est évidente ou peut s’expliquer assez facilement.
=>
tel n’est pas mon avis : s’il faut une longue explication de la part de Pierre, c’est que cette correspondance n’est pas évidente, précisément.
Le langage et l’exubérance étranges peuvent être considérés comme correspondant dans les grandes lignes à la description de Joël.
=>
en tant que signalant la présence de l’Esprit et l’activité divine au sens large, certainement ; mais en réalité, sur le moment, ce ne sont pas les signes annoncés par Joël qui se manifestent, et lorsque plus tard Paul cherchera à expliquer les langues par un texte de l’AT, il aura recours à un passage des plus inattendus, soit Es 28:11 ! // Es 33:19 ; Jé 5:15. La manifestation des langues, pour les lecteur de l’AT, était une totale surprise, d’où les nécessaires explications de Pierre.
Dans certains cas, l’activité prophétique pouvait conduire à des actions étranges, voire bizarres (1 S 10:5-6, 10-13 ; 19:20-24).
=>
on voit mal la pertinence de l’évocation de parallèles en étrangeté et en "prophétie involontaire". Pierre ne fait aucunement allusion à des bizarreries : l’étonnement général vient de ce que les pèlerins comprenaient parfaitement ce qui était dit, qui dans un langue, qui dans une autre. Mais tous ne comprenaient pas toutes les langues, et c’est cela qui a sans doute provoqué les railleries de quelques-uns.
MARSHALL cite G. J. STEYN, qui estime qu’une citation si longue provenait probablement d’un texte écrit différent dans le détail de la LXX telle que nous la connaissons, et que les changements introduits par Luc tendent à être théologiques plutôt que stylistiques.
=>
MARSHALL est-il de cet avis ?
Les deux expressions "après cela" et "dans les derniers jours" font toutes deux référence aux derniers jours. Le changement veut sans doute mettre l’accent sur le fait qu’un nouvel âge est arrivé.
Sur 2:18
L’insertion de "mes" ("mes serviteurs et mes servantes") met l’accent sur leur rôle en tant qu’instruments de Dieu plutôt que sur leur statut social.
=>
soit, mais il n’est pas certain qu’il faille mettre de côté tout à fait la notion d e statut social, comme si l’idée était étrangère au NT. Même dans le NT, Dieu est du côté des petits, ses petits.
Pour kai ge, forme renforcée de kai, MARSHALL se demande si Luc pouvait être familier de cette façon de traduite l’hébreu wegam, ou même d’une hypothétique recension kai ge de la LXX.
=>
comme je l’ai suggéré plus haut, pourquoi ne pas voir ici – que Luc ait eu ou non une recension kai gesous les yeux – l’idée que, précisément ("Oui"), Dieu a fait une chose surprenante : il a répandu son Esprit sur une foule de simples Israélites ?
Sur 2:19-20
Les changements (ajout de "en haut" et de "en bas", et de "signes") sont le fait de Luc. Les auteurs du NT se sentent libres de faire des modifications mineures, soit pour faire mieux ressortir la portée de l’original, soit pour des raisons purement stylistiques, soit à cause du nouveau contexte.
=>
comme on peut le constater sans peine, sinon ici, du moins souvent ailleurs, ces modifications ne sont pas toujours si mineures.
Il était clair pour eux qu’une bonne partie des prophéties étaient restées inaccomplies, ou ne s’étaient accomplies que partiellement. Dans beaucoup de cas, leur accomplissement était une simple question d’observation : il suffisait de comparer la prédiction avec l’événement qui se produisait. En même temps, ils croyaient probablement être inspirés par l’Esprit pour déclarer avec autorité :"C’est ici ce qui a été dit par le prophète" (2:16).
=>
comme je me suis essayé à le montrer, l’accomplissement de la prophétie de Joël n’est pas une simple question d’observation : elle est non-évidente, surprenante, et – en effet – demande le commentaire inspiré de Pierre. Dire qu’il suffirait ici juste de comparer la prédiction et l’événement est tout de même assez forcé !
Le fait qu’un grand groupe de personnes (Ac 2:4 veut presque certainement dire qu’il s’agit des 120 plutôt que seulement des 12) soit poussées à louer Dieu en diverses langues fournit un exemple de ce que l’AT décrit au sens large comme "prophétie".
Il ne faut pas s’attendre à un accomplissement mot à mot de chaque détail. Il y aura des songes et des visions plus tard dans les Actes. La référence à des femmes s’harmonise avec Ac 1:14.
L’ajout par Luc des "signes" se trouve sans nul doute accompli dans la guérison et les autres miracles des Actes. Les "prodiges en haut dans le ciel" (soit le sang, le feu, les colonnes de fumée, le soleil changé en ténèbres et la lune en sang) sont plus déroutants.
=>
il est peu probable que les signes sur la terre soit ceux-là ; il y a un parallèle clair et accentué entre ce qui se passe au ciel et ce qui se passe sur la terre : dans les deux sphères, il s’agit plutôt, selon moi, de signes de nature théophanique, cosmique, universelle.
C’est le langage de la théophanie, notamment celui du jugement au jour du Seigneur.
=>
cela rejoint ma remarque précédente, et fait donc et fait donc se contredire le commentaire de MARSHALL.
Probablement est-il question des précurseurs de ce jour du Seigneur.
=>
c’est-à-dire ?
Il est aussi possible que Pierre ait cité ces versets simplement parce qu’il devait utiliser le dernier verset du passage, et ne s’est pas senti de laisser quelque chose de côté.
=>
cela ressemble à une solution de désespoir pour justifier Pierre d’avoir cité un texte sans rapport franc avec le contexte…
Ainsi, Ac 2:19-20 peut être considéré comme futur du point de vue de Pierre (comme de Luc et de nous). Un lecteur familier de Lc 21:25-28 n’aurait pas eu de difficulté pour faire le saut. Les signes accomplis par Jésus mentionnés en 2:22 ne peuvent guère être mis en parallèle avec les "prodiges dans le ciel".
=>
précisément, comme dit plus haut.
MARSHALL mentionne aussi – sans y souscrire – le recours à l’hypothèse d’une éclipse, au cours de laquelle la lune prend une couleur rouge sombre.
=>
encore une solution de désespoir pour domestiquer le texte.
Pour finir, MARSHALL fait remarquer que le langage théophanique est associé au don de la Loi au Sinaï (ainsi qu’à l’exode et à Moïse), tant dans l’AT que dans les sources juives postérieures. Ce serait un exemple de l’utilisation ici d’un langage évocateur d’un autre événement.
=>
c’est possible, mais rien dans le texte ne fait penser spontanément à cet éventuel parallèle avec le don de la Loi sous la surface, ni dans la prédication de Pierre d’ailleurs. L’idée même est étrangère au contexte.
Du moins pour un lecteur non-juif.
Sur 2:21
MARSHALL note la différence du sens de "être sauvé" entre le contexte de Joël (= être sauvé du jugement imminent) et celui de Pierre, où le sens est élargi.
À partir de ce passage s’est développ(epikaleô), qu’on retrouve souvent par la suite (Actes, 1 Corinthiens, 2 Timothée, 1 Pierre).
Il s’agit d’une invitation et d’une promesse de salut adressées à quiconque invoque le Seigneur.
L’omission de v. 32b, qui centre le salut sur Jérusalem, est due à l’activité littéraire de Luc.
À ce point du récit, Pierre n’avait en vue que les Juifs (et les prosélytes), comme Joël, alors que Paul utilisera ce même texte pour appuyer l’universalité de l’offre du salut aux Juifs et aux Gentils (Ro 10:12-13).
Ensuite MARSHALL termine le commentaire sur des remarques à destination du débat pour savoir si le salut est limité à ceux que Dieu aura d’abord appelés, ou s’il est ouvert à tous.
MARSHALL donne d’ailleurs une citation ("Dieu accepte tous les hommes sans exception… la porte du salut est ouverte à tous") qu’on dirait de la plume d’un théologien arminien, mais qui en fait est de CALVIN.
Il estime qu’il serait assez incroyable que le sermon de Pierre puisse se terminer (cf. Ac 2:39) sur une déclaration limitant le salut, qui aurait amené les auditeurs à se demander : "Mais suis-je au nombre de ceux que Dieu appelle ?"
=>
non seulement cela, mais l’idée même, et la polémique sur la question, sont absolument étrangères au texte ; c’est clairement la sédimentation de siècles de controverses entre Arminiens et Calvinistes, injectées dans le texte – qui ne saurait les porter – et qui même l'obscurcissent.
MARSHALL
Marshall, I. Howard. 1977 / 1992. New Testament Interpretation: Essays on Principles and Methods. Paternoster.
DEMAR
DeMar, Gary. 1997. Last Days Madness: Obsession of the Modern Church. 3rd ed. Atlanta, Ga.: Wolgemuth & Hyatt Pub.
ELLIS
Ellis, E. Earle. "How the New Testament Uses the Old" in MARSHALL (ci-dessus), chap. XII, p. 199.
Pour les autres sources citées, voir les abréviations :
http://papyrus87.zohosites.com/abreviations.html/abreviations.html
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