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L'interprétation de Craig A. Evans

L’interprétation de Craig EVANS (NIBC)

Dans Luke, vol. 3 du New International Biblical Commentary, Hendrickson, 1990, pp. 278-283.

Idem (au mot près!) dans The Bible Knowledge Background Commentary: Matthew-Luke

Volume 1 de The Bible Knowledge Background Commentary: New Testament, Victor, 2003.

Extraits lisibles sur Google Books:

https://books.google.fr/books?id=iZC-tdB35bAC&pg


Ci-dessous ma traduction (en retraduisant aussi le rendu de la NIV, sur laquelle NIBC est basé et EVANS argumente)


Dans l’épisode précédent, nous avons vu le geste guérisseur de Jésus rendant la vue et la foi à un exclu de la religion d’Israël. Dans le présent épisode nous avons un autre exemple de la restauration de quelqu’un qui était un exclu, non à cause d’infirmités physiques qu’on pensait provoquées par un péché, mais en raison de son métier. Tandis qu’il traverse Jéricho, Jésus rencontre un collecteur d’impôt en chef nommé Zachée, un homme riche. Il désirait tellement voir Jésus qu’il grimpa sur un sycomore proche de là (ce qui n’a certainement pas dû sembler digne d’un homme de ce rang).

À l’étonnement de tous, Jésus désigna Zachée parmi toute la foule comme son hôte pour ce jour-là. En réaction à ce choix, tous commencèrent à murmurer, car à leur yeux Jésus avait choisi d’être l’invité d’un pécheur. On suppose en général qu’à ce moment-là précis, ou peut-être après le dîner et la conversation avec Jésus, Zachée se leva et prononça les paroles du v. 8: Voici [NIV "Here and now" = sur le champ] je donne la moitié de mes biens aux pauvres, et si j’ai lésé [NIV "cheated" = escroquer, frauder] quelqu’un de quelque chose, je le rembourserai au quadruple.

La NIV donne l’impression qu’il s’est produit un changement de cœur chez Zachée: il n’usera plus de fraude, il n’ignorera plus les pauvres. Cette traduction reflète certainement l’interprétation traditionnelle de cet épisode (suivie par Marshall, Ellis, Tannehill). Vue sous cet angle, l’histoire de Zachée est un récit de conversion. Le riche collecteur d’impôts s’est rendu compte de ses erreurs (matérialisme, malhonnêteté, avidité) et s’est maintenant repenti; et comme preuve de sa repentance il promet de donner la moitié de ses biens aux pauvres et une grande partie de ce qui lui restera sera pour ceux qu’il a escroqués dans le passé.

Il est bien possible toutefois que l’interprétation traditionnelle ne soit pas juste.

Dans la NIV le sens du verbe ‘donner’ est modifié par ‘here and now’ (= sur le champ), mots qui ne sont pas dans le texte grec. Cela donne l’impression que la déclaration de Zachée va prendre effet dès l’instant où il a parlé.

On peut ici le comprendre comme une déclaration au présent de ce qui a été la conduite habituelle de Zachée. Non seulement des mots supplémentaires ont-ils été ajoutés à la traduction, mais le verbe ‘je rendrai’ [NIV "will pay back"] n’est en réalité pas du tout un futur, mais un présent. Une traduction plus littérale du verset est: "Voici, Seigneur, je donne la moitié de mes biens aux pauvres, et si jamais j’ai lésé quelqu’un, je lui rends au quadruple." Les paroles de Zachée, ainsi traduites littéralement, ne laissent pas forcément l’impression qu’elles expriment une nouvelle conduite. De plus, il n’y a aucune indication que la déclaration de Zachée a eu lieu après le dîner et la conversation avec Jésus (Ellis), temps pendant lequel une conversion s’est produite. De surcroît, il n’y a aucun indice que Zachée ait fait une confession de péché (comme dans le cas du publicain en 18:9-14).

L’interprétation du v. 8 la plus probable est de comprendre la déclaration de Zachée comme une protestation immédiate contre la foule qui murmure et désapprouve l’intention de Jésus de souper avec lui, et qui a parlé de Zachée comme d’un "pécheur" (v. 7). En d’autres termes, Zachée a réagi à l’opprobre d’être appelé "pécheur" au seul motif de son métier. Il a affirmé, en effet, que tandis que d’autres collecteurs d’impôt peuvent escroquer et exploiter leurs concitoyens, lui, Zachée, donne régulièrement aux pauvres, et quand il lui arrive (accidentellement) de percevoir de trop (pas nécessairement de "léser"), il restitue toujours au quadruple. Cette interprétation semble être le meilleur sens pour ce qui se trouve dans le texte grec (ainsi Fitzmeyer).

Au v. 9, Jésus déclare que Zachée est un véritable fils d’Abraham. La raison en est que sa conduite honnête (se reporter à l’avis du Baptiste aux collecteurs d’impôt en 3:12-13) montre un cœur sincère, qui est prêt à répondre à l’invitation à entrer dans le royaume de Dieu. Puisqu’il est un fils d’Abraham, comme le montre son hospitalité pour Jésus, le salut est entré dans cette maison (même si c’est la maison d’un collecteur d’impôt méprisé). À nouveau nous voyons ici Jésus dans le rôle de défenseur des exclus et de ceux qu’on calomnie à cause de préjugés injustifiés et de l’hypocrisie religieuse.

La parole de Jésus au v. 10 ne résume pas simplement l’épisode de Zachée, mais devrait être comprise comme une affirmation thématique qui couronne et conclut le récit du voyage (Fitzmeyer fait remarquer que Lc 19:10 récapitule l’ensemble du chap. 15). Contrairement à beaucoup des religieux qui le critiquent, Jésus ne condamne pas les perdus, ni ne juge les personnes sur les apparences extérieures. Jésus appelle tous les hommes à la repentance, religieux ou non, bien-portants et malades, riches et pauvres.


FG

mars 2019