1 Co 3:9-15 "de l'or, de l'argent... du foin, du chaume"
Avec une belle persévérance, prédicateurs et commentateurs populaires continuent de faire de ce passage une exégèse à contre-sens.
On se demande d'où provient cette surprenante aptitude à ne pas lire ce qui est écrit.
J'en examinerai les racines ailleurs, mais elles ont beaucoup à voir avec des notions préconçues sur la nature de l'Écriture, à nouveau.
FEE, dans son commentaire de référence sur 1 Corinthiens (Fee, Gordon D. 1987 / 2011. The First Epistle to the Corinthians. Eerdmans) déplore que ce passage et beaucoup d'autres de 1 Corinthiens aient été beaucoup malmenés dans l'Église aux mains d'interprètes pressés et téméraires, et aient été détournés pour cause de piété de leur sens et de leur objet :
- à propos de 3:10-15, il commente (p. 136, ma traduction)
"Voici un autre paragraphe qui a beaucoup souffert dans l'Église (cf. 2:6-16 ; 3:1-4), depuis ceux qui l'ont décontextualisé en termes de piété populaire et individualiste (c.-à-d., comment je construis ma propre vie chrétienne sur Christ) [comme entre autres MacArthur, signale-t-il], jusqu’à certains Protestants qui l'ont utilisé pour amener de l'eau à leur moulin dans la polémique calviniste-arminienne sur la sécurité du croyant, et jusqu'à ceux dans la tradition catholique romaine qui on trouvé là l'unique preuve du NT pour la doctrine du purgatoire.
Paul n'aborde aucune de ces questions, pas même de façon indirecte. Sa préoccupation est bien particulière : que ceux qui à ce moment-là conduisent l'Église prennent garde, leur travail actuel ne résistera pas à l'épreuve du feu car ils se sont détournés du "matériau" impérissable qu'est Jésus-Christ et lui crucifié."
FIORENZA (E.S. Fiorenza. Harper's Bible Commentary. p. 1173. ma traduction) donne le sens évident, et y perçoit même une allusion subtile de Paul concernant les missionnaires qui sont passés derrière lui :
"Le glissement de l'image du champ vers celle de la construction au v. 9b implique un glissement d'accent en 3:10-15. Tandis que le paragraphe précédent rejette toute idée de comparaison entre Paul et Apollos, celui-ci insiste sur le point qu'il doit y avoir une cohérence entre la prédication originelle de Paul, laquelle a posé le fondement, et toute prédication qui viendra ensuite et qui devra construire sur la proclamation de Jésus-Christ par Paul. Paul amène ce point en plaçant la communauté de Corinthe dans une perspective eschatologique. Le feu du jugement divin révélera si cette "construction" qui est venue ensuite est en harmonie avec les fondations posées par Paul. Ainsi, de manière subtile, Paul rend le travail des 'autres missionnaires théologiquement dépendant du sien"
Si donc ici les croyants sont appelés à examiner (car c’est bien à eux que Paul écrit), c'est à examiner comment ceux qui sont en responsabilité de la communauté construisent, et s'il ne posent pas subrepticement d'autres fondements que Christ seul.
Les prédicateurs sont donc les premiers concernés et devraient être les premiers à le dire, sans systématiquement et mine de rien détourner ce passage de son contexte, de son objet et de son sens pour accabler les croyants d'interminables examens de conscience. Il y a bien d'autres textes pour cela que celui-ci !
Néanmoins, il y a bien chez Paul un reproche sous-jacent envers les Corinthiens.
Celui, précisément, de ne pas avoir exercé ce discernement, et de s’être laissés impressionner par des personnalités.